Analyse-Livres & Culture pour tous
25 Novembre 2020
Balzac cherche à mettre en évidence les vices de son époque. Toute sa somme porte une critique implacable sur les comportements des individus au sein de la société ; il s’agit d’une dénonciation des mœurs que ce soit à Paris ou en province et dans tous les milieux. C’est bien sous le signe d’un certain réalisme qu’est née la Comédie humaine au travers de thèmes tels que l’amour, la justice, l’argent, le temps, l’absolu etc…
Repères : la Comédie humaine : analyse
Dans l’article précédent, nous avons évoqué l’importance de la géographie et notamment de Paris dans la somme romanesque au regard de la problématique au cœur de ce hors-série : en quoi, la Comédie humaine, basée sur un système conçu et exécuté par Balzac, constitue-t-elle une œuvre annonciatrice du mouvement réaliste ?
Aujourd’hui, nous verrons la récurrence des thèmes dans la Comédie humaine.
Le système mis en place par Balzac laisse apparaître de nombreux thèmes communs. Ce n’est pas un hasard, mais une volonté de l’auteur de mettre au centre de son architecture de papier des sujets qui lui tiennent à cœur. L’idée est de faire entrer ces thèmes dans le système de dévoilement du monde.
L’entreprise est ambitieuse. Balzac cherche à mettre en évidence les vices de son époque. Toute sa somme porte une critique implacable sur les comportements des individus au sein de la société ; il s’agit d’une dénonciation des mœurs que ce soit à Paris ou en province et dans tous les milieux. C’est bien sous le signe d’un certain réalisme qu’est née la Comédie humaine.
Félicien Marceau, dans Balzac et son monde, en précise la nature et les contours.
Dans cette liste, nous en retiendrons le thème de l’argent qui nous semble d’importance dans tous les romans de Balzac.
Balzac connaît le prix des choses dans le moindre détail. Il met dans la bouche de ses personnages les discussions prosaïques : on y parle d'argent tout le temps.
Balzac est entré dans un tel degré de précision qu’il est aujourd’hui possible de calculer le pouvoir d’achat des ménages puisque tous les éléments financiers sont déterminés :
Le réalisme des romanciers avant la Comédie humaine n’a jamais atteint ce point de précision.
L’argent est présenté comme un but à atteindre, une fin en soi. La question qui taraude les personnages balzaciens est celle de savoir comment s’enrichir au plus vite et de plus en plus.
Rappelons que sous la monarchie de Juillet (1830) régnait l'adage de Guizot, « enrichissez-vous ». L'État encourageait le libéralisme économique.
Dans la Comédie humaine, l’appât du gain est au contraire stigmatisé que l’on soit riche ou pauvre, car l’argent constitue un vice.
Tous les vices liés à l’argent sont examinés par Balzac avec un réalisme achevé. Il s’intéresse aux modes opératoires et aux effets qui en découlent. Le circuit de l’argent d’une poche à une autre est détaillé avec méthode.
Dans la perspective balzacienne, l’argent corrompt tout : les liens intrafamiliaux, les relations professionnelles, amicales, politiques. L’argent roi gouverne le monde pour sa perte.
Le vol dans la caisse d’un honnête commerçant par son commis est évoqué (César Birotteau). D’autres vols peuvent aussi se réaliser de manière plus élaborée par l’émission de billets à ordre (effets de cavalerie) dont on sait d’avance qu’ils ne seront pas honorés ou des épisodes de spéculation aboutissant à une crise financière (La maison Nucingen).
L’avarice la plus sordide est mise en scène comme celle du père Grandet (Eugénie Grandet) qui s’oppose à la générosité du père Goriot dans le roman éponyme.
Vautrin peut projeter de tuer un homme pour permettre à Rastignac de capter indirectement un héritage (Père Goriot).
Les femmes ne sont pas en reste avec cette préoccupation bassement pécuniaire. Madame Camusot finira par capter l’héritage du Cousin Pons par ses manœuvres tout comme les deux filles du Père Goriot qui s’emploieront à dépouiller leur père avant de laisser mourir seul.
Lucien de Rubempré peut aussi ruiner sa famille en lui mentant éhontément pour mener une vie dispendieuse et oisive (les Illusions perdues).
On voit donc l’immoralité qui est sous-jacente dans cette thématique : elle a aussi pour intérêt de montrer à l’inverse que l’absence d’argent est révélatrice d’une vertu particulière, la grandeur d’âme.
Vertu
L’argent est aussi un révélateur de la moralité des personnages de la Comédie humaine. Balzac conçoit même une forme de pureté dans l’absence de sens des affaires : David Séchard dans les Illusions perdues se fait acheter à vil prix son invention (papier d’imprimerie). César Birotteau, ruiné par bêtise dans son commerce de parfumerie, recouvre, lui, sa dignité lorsqu’il réussit à éponger ses dettes avant de mourir.
Le dépouillement est un signe de générosité lorsque la mère et la sœur Chardon ont vu leurs meubles saisis tandis que David Séchard est envoyé en prison pour les dettes parisiennes de Lucien de Rubempré. (Les Illusions perdues).
Le rapport avec l’argent mesure le degré d’humanité des personnages.
Pour résumer, moins on en a, plus on en donne et plus la profondeur d’âme apparaît sous la plume de Balzac.
Dans l’article suivant, nous verrons les différents types de personnages, conçus comme tels dans la Comédie humaine.
Source :
F. Marceau, Balzac et son monde, Tel Gallimard
Repères à suivre :