Analyse-Livres & Culture pour tous
25 Novembre 2020
Balzac choisit de considérer ses personnages comme des êtres sociaux en les installant dans des milieux sociaux donnés : l’aristocratie, la bourgeoisie, la paysannerie, etc…Puis, il décompose sa classification par rapport aux genres, masculin ou féminin en tenant compte du statut social, des revenus, de la situation matrimoniale, etc…
Repères : la Comédie humaine : analyse
Dans l’article précédent, nous avons évoqué la récurrence des thèmes dans la somme romanesque au regard de la problématique au cœur de ce hors-série : en quoi, la Comédie humaine, basée sur un système conçu et exécuté par Balzac, constitue-t-elle une œuvre annonciatrice du mouvement réaliste ?
Aujourd’hui, nous verrons les différents types de personnages utilisés par l’auteur.
La Comédie humaine brasse des milliers d’individus, fictifs ou réels, qui sont décrits minutieusement au point que l’on pourrait même définir leur carte d’identité. L’entreprise de Balzac visait justement à « concurrencer l’état civil ». C’est ainsi qu’on connait leur généalogie, leur passé, sans compter leur pensée et leur psychologie.
Chaque personnage est décrit en profondeur. Dans cette architecture de papier, Balzac est allé plus loin qu’un romancier classique, il a innové en plaçant ses personnages au cœur de la société : c’est une approche à la fois systémique et réaliste.
Balzac choisit de considérer ses personnages comme des êtres sociaux. Dans sa somme romanesque, les personnages doivent appartenir à une catégorie sociale précise. L’auteur les détermine en les installant dans des milieux sociaux donnés : l’aristocratie, la bourgeoisie, la paysannerie, etc…
Puis, il décompose sa classification par rapport aux genres, masculin ou féminin en tenant compte du statut social, des revenus, de la situation matrimoniale, etc…
On notera que la lecture marxiste de Balzac était vivement encouragée en Union soviétique, car on y voyait une dénonciation implacable du capitalisme.
Les données recueillies par Balzac sont infiniment travaillées dans un esprit « réaliste » par l’écrivain qui n’a pas peur de parler d’argent, de position sociale, de montant des rentes etc… comme nous l’avons vu précédemment.
Le parti-pris de Balzac est donc d’un réalisme affiché : tout montrer, tout dire. Décrire les personnages certes de fiction, mais comme s’ils étaient des personnes de la vie réelle tout en choisissant de les présenter en fonction de leur situation dans le monde.
L’écrivain se lance dans une entreprise singulière, celle consistant à percer à jour les personnages désireux de se jouer de la réalité. On peut parler de dévoilement du monde dans la Comédie humaine.
Félicien Marceau a étudié le monde décrit par Balzac en procédant à un inventaire des personnages et des thèmes de la Comédie humaine. C’est ainsi qu’il met en évidence la typologie suivante :
Les lions : les ambitieux que l’on trouve chez les jeunes hommes. Prenez Rastignac qui apparaît dans plusieurs romans, dont le Père Goriot.
Les femmes : celles qui sont mariées, le plus souvent malheureuses en ménage et en quête d’aventures amoureuses : on y trouve les coquettes (la duchesse de Langeais)
Les intrigantes, la femme bafouée (madame Hulot dans la cousine Bette), la femme idéalisée comme madame de Mortsauf dans le Lys dans la Vallée.
Les jeunes filles : celles dont le destin passe nécessairement par un beau mariage. Prenez Eugénie Grandet dans le roman éponyme qui choisit de risquer sa dote par amour et qui perd tout avenir.
Les vieilles filles : celles qui n’ont pu accéder à un tel destin en raison de leur pauvreté et du manque d’appuis sociaux. Prenez la Cousine Bette dans le roman éponyme dont la frustration fait naître une rancune tenace.
On peut y ajouter, si vous le voulez bien :
Les femmes de petites vertus : les grisettes pour les gens du peuple et les courtisanes pour la haute société. Prenez Esther qui, par amour pour Lucien de Rubempré, s’empoisonne dans Splendeurs et misères des courtisanes en faisant de lui son héritier.
Les maris : jaloux, infidèles, dévoreurs de dote, complaisants etc…
Nous avons donc affaire à des types sociaux que l’écrivain a mis en scène dans la société.
Nous verrons dans l’article suivant que Balzac aime jouer sur la récurrence des personnages.
Source :
F. Marceau, Balzac et son monde, Tel Gallimard
Repère à suivre : la récurrence des personnages