Analyse-Livres & Culture pour tous
19 Octobre 2020
Dans L’île des esclaves, Marivaux rend floue la notion du temps tout en jouant sur pouvoir de nommer les choses comme moyen d'asseoir la critique sociale qu'il met en scène.
repère : thème de l'île : étude
Le programme officiel du bac 2021 met à l'honneur L’île des esclaves, comédie de Marivaux, jouée pour la première fois en 1725. Ce sera pour nous l'occasion de poser la problématique de l'île, prétexte au questionnement à la fois sur la nature humaine et sur les rapports sociaux.
L'idée de l'île permet de susciter une réflexion sérieuse tout en la situant dans le genre littéraire d'une comédie avec un registre didactique. Nous envisagerons notre étude au travers de sept angles suivants :
Aujourd'hui, nous verrons les deux points relatifs au temps et au pouvoir de nommer les choses.
La notion de temps est floue. Si l’on sait que les anciens esclaves peuvent se reposer huit jours et que les anciens maîtres doivent s’amender pendant trois ans, on ne sait pas combien de temps a duré l’expérience insolite sur l’île des esclaves.
Cette faculté de l’homme à nommer ce qui vit autour de lui apparaît dès le début de la comédie où elle est tournée en dérision.
Derrière cette facétie théâtrale, on découvre en réalité le ressort principal de l’intrigue.
Un insulaire demande à Arlequin son nom avant que ce dernier ne déclare n’en avoir aucun. L’effet comique surgit dès que l’ancien esclave énonce les sobriquets que son maître a l’habitude d’employer pour l’appeler (scène II).
Le même procédé plus accentué est utilisé avec le duo de femmes Cléanthis, l’esclave, et Euphrosine, la maîtresse. La première révèle les « surnoms » dont elle est affublée par la seconde : « J’en ai une liste : Sotte, Ridicule, Bête, Butorde, Imbécile, et cætera. » (Scène III).
Marivaux n’a plus qu’à procéder à une inversion des noms pour que l’on mesure la critique sociale sous-jacente. En effet, sur cette île décidément très particulière, on voit ainsi le maître endosser une nouvelle identité, celle de son ancien esclave, lequel prend le nom de son maître. Cette mise en scène est donc censée permettre aux anciens maîtres de se corriger :
« Souvenez-vous en prenant son nom, mon cher ami, qu’on vous le donne bien moins pour réjouir votre vanité que pour corriger de son orgueil » (scène II)
C’est ainsi que débutera le « procès » sans complaisance d’une aristocratie du XVIIIe siècle, indolente et inutile, mise en mots par Marivaux.
Mais nous verrons dans l’article suivant qu’une nouvelle mise en scène, nécessitant le changement de vêtements sera nécessaire pour l’inversion total des rôles.
repère à suivre : la question vestimentaire