Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Février 2010
L'étude sur le thème de la justice concerne le procès de Kafka qui nous conduit à mettre en relief le passage de l'arbitraire à une interrogation sur l'existence.
repères : thème de la justice : étude
La Gazette vous propose une étude fondée sur la mise en scène de l'injustice au travers de deux formes de procès, l'une empreinte a priori d'arbitraire et l'autre de préjugés.
Nous avons indiqué dans l'article précédent les deux œuvres distinctes qui nous font pénétrer dans des univers particulièrement troublants. Il s'agit de classiques incontournables, à savoir :
Nous débuterons par la première œuvre.
Le livre s'ouvre sur l'arrestation dans sa chambre au petit matin d'un homme, Joseph K., fondé de pouvoir d'une banque par des individus mystérieux incapables de lui donner le motif de la mesure décidée à son encontre.
Le premier sentiment de K, c'est bien entendu, la surprise, l'incompréhension, la colère, voire la crainte d'un erreur sur sa personne. Le personnage est confronté immédiatement à une procédure absurde qu'il devra respecter tout au long du livre.
Le malaise se poursuit avec une étrangeté de taille : l'arrestation en cause a lieu sans détention : «Vous êtes arrêté, certainement, mais cela ne vous empêche pas de vaquer à votre métier. Personne ne vous interdira de mener votre existence ordinaire.» (page 39). Le héros reste donc libre de ses mouvements sous la surveillance de son proche voisinage.
Il est donc tout à fait libre de mener son existence ordinaire ; ordinaire, tel est le mot : la vie de Joseph K. apparaît en effet banale, sans surprise : il effectue son travail de manière satisfaisante ; il se contente d'une vie amoureuse pourtant parfaitement frustre.
Pour quels motifs cet homme sans histoire se trouve-t-il donc arrêté ? Tout au long du livre, l'inculpé ne le saura jamais ; le lecteur ne sera pas davantage invité à entrer dans le secret du délibéré, puisque la phase décisive du procès se tiendra dans le plus grand secret :
«Le procès venait d'entrer dans une phase où on n'avait plus le droit d'aider, où il se trouvait entre les mains de cours de justice inaccessibles et où l'avocat ne pouvait plus voir l'inculpé. » (page 160)
Avec le héros malheureux, le lecteur pénétrera dans l'univers d'une procédure criminelle opaque servie par des greffes à l'atmosphère irrespirable ; le héros sera entre les mains d'un juge d'instruction qui ne connaît pas son dossier, défendu par un avocat au rôle inutile qu'il sera néanmoins contraint de prendre pour restaurer l'honneur de la famille.
Le jugement sera rendu sans être motivé et publié...
La seule chose dont K. est convaincu a trait au fait que le procès en question ne relève pas d'une « justice ordinaire ».
Loin de s'insurger devant l'arbitraire attaché à l'examen de son affaire, le personnage de K. s'étoffe progressivement ; il prend des initiatives notamment avec les femmes auxquelles il n'aurait jamais songé auparavant.
C'est ainsi que l'arbitraire du livre cède en réalité le pas à une interrogation sur le sens de la vie. K. n'est coupable que d'une chose … de vivre.
K. va au cours de ce procès se pencher sur lui-même et sur le monde : le bien, le mal, le désordre de la vie sur le plan physique (nombreuses allusions à l'attraction charnelle des femmes) et moral.
K., seul face à lui-même va devenir au fur et à mesure du livre un être à la recherche du sens de la vie.
Plusieurs propositions de vie lui sont faites au travers des rencontres ; aucune ne le satisfera. Même la rencontre avec le prêtre dans la cathédrale le rendra plus désespéré après l'âpre discussion sur la Loi :
« Triste opinion, dit K, elle élèverait le mensonge à la hauteur d'une règle du monde. K. termina sur cette observation, mais ce n'était pas son jugement définitif.» (page 271).
Le questionnement de l'homme comme le tumulte de la vie ne s'achèvent qu'avec la mort.
repères à suivre : l'injustice mise en scène : l'étranger de Camus