Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Avril 2020
La littérature d’idées peut être directe ou indirecte et se fonde sur deux critères : une adhésion et une stratégie.
Repères : Nouveau Monde : étude
Dans l’article précédent, nous avons abordé le contexte historique de la découverte du Nouveau Monde, il vous est proposé aujourd’hui de pénétrer dans le genre littéraire non fictionnel, l’argumentation.
Il s’agit d’une littérature d’idées, difficile et exigeante, à laquelle nous avons affaire. Pour vous aider, nous allons préciser les points importants à retenir pour lire et étudier correctement Montaigne.
Il existe deux genres d’argumentation.
Le critère distinctif est celui de savoir si c’est l’auteur qui parle en son nom en recourant à la 1ere personne du singulier ou non.
Dans les Essais, ce sont bien les propres pensées de Montaigne que nous avons à lire. C’est donc une argumentation directe, comme il en existe dans les discours, pamphlet, lettre ouverte, préface, dialogue, plaidoyer, etc…
À l’inverse, lorsque l’auteur se cache derrière le genre fictionnel avec un ou plusieurs personnages, lorsque l’énonciation est faite à la 3e personne du singulier ou du pluriel, il s’agit d’une argumentation voilée. Elle est donc indirecte. On en trouve ainsi dans les contes, fables, apologue etc…
Il faut en outre deux conditions pour que l’on entre dans le champ de l’argumentation :
À la différence d’une démonstration qui cherche à déduire des conséquences des données posées, l’argumentation consiste à faire adhérer un lecteur ou un auditoire à la cause choisie.
Cela présuppose une rencontre qui n’existe pas dans la démonstration. Il faut donc être au moins deux pour faire naître une argumentation et seul pour mettre en œuvre une démonstration qui suffit à contenter son auteur.
Perelman* définit la notion :
« l’argumentation se propose d’agir sur un auditoire, de modifier ses convictions ou ses dispositions, par un discours qu’on lui adresse et qui vise à gagner l’adhésion des esprits. »
L’ouvrage de Montaigne entre dans cette catégorie ainsi que nous le verrons dans les articles suivants.
Il faut enfin une stratégie pour conquérir l’adhésion.
Cette stratégie est basée sur trois moyens : convaincre, persuader ou délibérer.
Vous me direz que convaincre ou persuader, c’est la même chose. Voyons la différence, si vous le voulez bien.
Cela s’effectue au moyen d’arguments logiques, en utilisant le raisonnement :
inductif partant de l’observation du particulier pour aboutir à une conclusion générale,
Il s’agit de susciter des émotions chez le lecteur ou l’auditoire (rire, larmes, colère, etc.) On entre dans le domaine non de la raison et de la logique, mais du sentiment. On peut schématiquement dire que l’auteur ne parle pas à notre intelligence, mais à notre cœur.
Pour les distinguer, il existe un moyen mnémotechnique utile que je vous conseille de garder en tête :
convaincrRe = Raison
PerSuader = Sentiment
Le dernier moyen consiste à mettre dans la balance les arguments positifs et négatifs. On assiste à un raisonnement en direct par le biais d’un raisonnement concessif. On accepte des arguments d’un côté et de l’autre. Le lecteur voit son intelligence mobilisée.
Il est important de garder en tête les trois stratégies pour examiner celle que Montaigne a développé dans les extraits que nous étudierons ensemble.
Dans un prochain article, il sera question de vous soumettre la problématique que nous traiterons.
Source :
Charles Perelman, l’Empire rhétorique, ch 2.
Repère à suivre : comment Montaigne faisant preuve d’un relativisme culturel élabore-t-il une critique de l’ethnocentrisme ?