Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Avril 2020
Les Essais constituent une œuvre marquante dans l’histoire littéraire française par son but inédit qui consiste à choisir soi comme sujet d’étude.
Repère : Nouveau Monde : présentation
Dans l’article précédent, nous avons présenté les principaux éléments biographiques de Montaigne. Voyons aujourd’hui son œuvre maitresse, les Essais.
Les Essais constituent une œuvre marquante dans l’histoire littéraire française par son but inédit qui consiste à choisir soi comme sujet d’étude. La Gazette avait en son temps consacré quelques articles à cette immense œuvre :
http://www.gazettelitteraire.com/2019/01/jardin-secret-montaigne-genre-litteraire.html
Il faut donner quelques éléments clairs concernant le titre et la structure générale.
Montaigne a choisi d’élaborer un recueil qui, s’il reprend une certaine tradition antique (leçons, épitres, etc…), la revisite de manière totalement libre. Pour évoquer cette œuvre, il faut en réalité la définir par rapport à ce qu’elle n’est pas : pas une simple autobiographie (peu de détails sur sa vie privée), pas une simple confession (goût pour l’altérité), pas de simples mémoires…
Les Essais permettent de contenir un peu de tout cela, mais il faut aussi compter sur les interrogations philosophiques et morales que Montaigne pose. C’est un ouvrage qui se trouve à la confluence du Moyen-Âge (avec son réflexe de citer les textes anciens) et de la Renaissance (redécouverte de l’Antiquité, la curiosité sur le Nouveau Monde etc.)
L’œuvre, qui a été remaniée à plusieurs reprises, se décompose en trois livres de longueurs inégales :
Les livres 1 et 2 ont été publiés en 1580.
Le livre 3 a été publié en 1588 : il comprend 13 chapitres parmi les plus importants de son œuvre.
Il faut noter que des chapitres ont une page lorsque d’autres en ont cinquante.
Par ailleurs, le titre n’est pas forcément en rapport avec le contenu traité.
De l’aveu même de Montaigne, l’œuvre ne respecte pas les règles de composition. On trouve des digressions, des incises, qui correspondent à une nouvelle idée.
Ce vagabondage littéraire est au cœur de cette œuvre ainsi qu’il le reconnaît :
« Cette farcissure* est un peu hors de mon thème. Je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde. Mes fantaisies se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique. (…) Les noms de mes chapitres n’en embrassent pas toujours la matière ; souvent ils la dénotent seulement par quelque marque, comme ces autres titres : l’Andrie, l’Eunuque, ou ces autres noms : Scylla, Cicéron, Torquatus. J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades. C’est un art, comme dit Platon, léger, volage, démoniaque. Il est des ouvrages en Plutarque où il oublie son thème, où le propos de son argument ne se trouve que par incident, tout étouffé en matière étrangère : voyez ses allures au Démon de Socrate. Ô Dieu, que ces gaillardes escapades, que cette variation a de beauté, et plus lors que plus elle retire au nonchalant et fortuit. C’est l’indiligent lecteur qui perd mon sujet, non pas moi ; il s’en trouvera toujours en un coin quelque mot qui ne laisse pas d’être bastant, quoiqu’il soit serré. Je vais au change, indiscrètement et tumultueusement. Mon style et mon esprit vont vagabondant de même. Il faut avoir un peu de folie qui ne veut avoir plus de sottise, disent les préceptes de nos maîtres et encore plus leurs exemples. »
Les Essais, Montaigne, Livre 3, chapitre 9, de la Vanité
https://fr.wikisource.org/wiki/Essais/Livre_III/Chapitre_9
*action de farcir
Il vous est proposé de consulter l’édition de Bordeaux.
Il s’agit d’une version imprimée, puis annotée par Montaigne lui-même ainsi que vous pourrez le comprendre dans cette courte vidéo.
Il vous sera possible de découvrir, dans le prochain article, les influences de Montaigne que l’on trouve présentes dans les deux parties étudiées.
Sources :
Essais, Montaigne, Notes explicatives de Bruno Roger-Vasselin, classiques Hachette
Histoire de la littérature française, Lanson, Montaigne, Hachette
Repère à suivre : les influences philosophiques de Montaigne