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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

L’éducation sociale à Verrières de Julien Sorel (Stendhal)

 

Bac 2020 : Le Rouge et le Noir de Stendhal est considéré comme un roman d’apprentissage. Pour analyser la trajectoire de ce héros, il faut évoquer son éducation sociale en province.

 

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Repères : thème du héros stendhalien : étude

 

Dans l’article précédent, nous avons évoqué la question de l’identité chez Julien Sorel. Nous verrons aujourd’hui son éducation sociale à Verrières avant de voir dans l’article suivant celle qu’il a reçue à Paris.

 

Gaucherie

Au début du roman, Julien Sorel apparaît sous les traits d’un être timoré qui ressemble à une fille. Il se présente devant madame de Rênal en pleurs et en chemise.

« Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, madame de Rênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.

Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l’esprit un peu romanesque de madame de Rênal eut d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Rouge_et_le_Noir/Chapitre_VI

 

Julien ne connaît pas les usages dans la société. Cette gaucherie est liée à son âge et son inexpérience. Il bénéficie alors des soins de madame de Rênal pour qui l’apparence vestimentaire flatte son orgueil de femme amoureuse. Ainsi s’organise-t-elle pour le voir parader en habit de garde d’honneur lors de la visite du roi (Livre 1, chapitre 18). Julien découvre alors qu’il est beau. Il va en tirer une joie narcissique. Il en conçoit ce qu’il appelle du « bonheur ».

« Pendant qu’il était l’occasion de tant de propos, Julien était le plus heureux des hommes. Naturellement hardi, il se tenait mieux à cheval que la plupart des jeunes gens de cette ville de montagne. Il voyait dans les yeux des femmes qu’il était question de lui. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Rouge_et_le_Noir/Chapitre_XVIII

 

Attraction

Madame de Rênal admet le nouveau précepteur dans son salon pour répondre à la vanité de son époux. Julien remplit son office en brillant en société. Il fait étalage de sa mémoire prodigieuse et devient ainsi une attraction dans toute la ville.

Notre personnage apprend beaucoup par madame de Rênal alors qu’elle est « extrêmement ignorante ». C’est bien un paradoxe. Stendhal place le jeune Sorel sous les auspices de l’Emile de Rousseau. Le héros n’a pas eu le temps d’être dévoyé par la société. À dix-neuf ans, il est vierge de toute expérience. C’est ce qui lui permet de voir la société « telle qu’elle est » avec ses propres yeux (Livre 1, chapitre 18).

C’est ainsi que Julien entre en relation avec la bonne société de Verrières (Livre 1, chapitre 10 et livre 1, chapitre 6). Il examine la nature des relations sociales entre les notables. Julien comprend qu’il est lui-même en sa qualité de seul précepteur de la ville un sujet de convoitise de la part de monsieur Valenod, ennemi juré de monsieur de Rênal. Il apprend vite et décide d’en abuser pour obtenir l’augmentation de ses gages (livre 1, chapitre 10). Cette circonstance l’empêche aussi d’être mis à la porte du maire de Verrières compte tenu de l’adultère qui s’y déroule. Madame de Rênal montre à Julien comment manipuler par une fausse lettre anonyme son mari. Elle lui enseigne l’art consommé de la manœuvre (livre 1, chapitre 23).

Hypocrisie

L’apprentissage social auquel Julien se plie, c’est celui de l’hypocrisie. Il comprend qu’il n’a pas le choix s’il veut mener à bien ses ambitions. Il lui faut pourtant forcer sa nature, dissimuler ses opinions et ses émotions.

Suivant les premiers conseils de monsieur de Rênal, il s’efforce de prendre un air grave pour paraître aux yeux de tous comme un digne précepteur. Il sait aussi d’instinct qu’il doit voiler sa véritable nature. Il s’emploie à jouer le rôle social auquel la société de Verrières s’attend, celui du futur séminariste ultra (livre 1, chapitre 22). Il fait preuve d’hypocrisie sauf lorsqu’il laisse échapper un cri du cœur qu’il réprime aussitôt ( Livre 1, chapitre 5).

 

Jalousie

Cet apprentissage des codes sociaux par Julien fait naître de la jalousie de la part des domestiques qui ne comprennent pas le sort réservé au précepteur. Mais cette haine est aussi partagée par monsieur de Valenod qui prend ombrage de la beauté de Julien et de sa proximité avec madame de Rênal.

 

Cette éducation n’est pas achevée à Verrières, il reste à Julien à découvrir les us et coutumes de Paris.

 

Repère à suivre : l’éducation sociale à Paris de Julien Sorel (Stendhal)

 

 

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