Analyse-Livres & Culture pour tous
25 Février 2020
Bac 2020 : Le Rouge et le Noir de Stendhal est considéré comme un roman d’apprentissage. Pour analyser la trajectoire de ce héros, il faut évoquer son éducation intellectuelle.
Repères : thème du héros stendhalien : étude
Dans l’article précédent, nous avons évoqué son éducation politique, découvrons son éducation intellectuelle. Ce n’est pas l’enseignement qu’il reçoit au séminaire ou dans les cours de théologique qui le nourrit. En toute occasion, Julien lit et s’instruit. Cette éducation est secrète.
Largement subversive, la lecture est sujette à des critiques acerbes de la part du père de Julien qui la réprouve, car il y voit un frein à son autorité. C’est aussi une activité socialement encadrée. Le statut de futur séminariste empêche le héros d’accéder à un vaste choix de livres. Il doit se contenter d’ouvrages théologiques ou religieux.
La lecture est en outre un enjeu politique qui vous classe dans un camp ou dans un autre. Il est donc dangereux de lire certains ouvrages si l’on tient, à Verrières comme à Paris, à conserver sa propre réputation. Dans les deux cas, on recourt aux domestiques pour aller récupérer des livres compromettants (livre 1, chapitre 7 et livre 2, chapitre 13).
La lecture devient donc une activité secrète pour Julien.
Pour autant, Julien fait preuve de légèreté avec son savoir. Il fait l’amère expérience de sa fatuité lors de l’examen du séminaire où il fait étalage de sa culture latine qui lui vaut un très mauvais classement.
Mais au fait que lit-il ? Des livres d’histoire (napoléonienne de préférence), de la littérature latine, de la philosophie (Voltaire, Rousseau, Fénelon etc…).
Cet apprentissage intellectuel lui permettra, à la fin du roman, de parvenir à être en paix avec lui-même au travers du règlement sincère de questions métaphysiques.
Dans sa prison, Julien envisage le suicide, car il éprouve la peur atroce d’être seul. Cette douleur l’amène à réfléchir sur lui-même. Il s’emploie à s’apaiser par une mise au clair de sa vie.
Julien philosophe.
Il critique la religion au travers des abus commis par ses prêtres (il dédouane les jansénistes). Il revendique la religion de Voltaire, fondée sur la justice et l’amour (livre 2, chapitre 44).
Après toutes ces années d’hypocrisie, la question de la vérité l’habite ; il la cherche dans ses propres expériences. Il discerne la question du devoir et des désirs. Il voit en lui la victoire du sentiment :
« Je deviens fou et injuste, se dit Julien en se frappant le front. Je suis isolé ici dans ce cachot ; mais je n’ai pas vécu isolé sur la terre ; j’avais la puissante idée du devoir. Le devoir que je m’étais prescrit, à tort ou à raison… a été comme le tronc d’un arbre solide auquel je m’appuyais pendant l’orage ; je vacillais, j’étais agité. Après tout je n’étais qu’un homme… mais je n’étais pas emporté.
C’est l’air humide de ce cachot qui me fait penser à l’isolement…
Et pourquoi être encore hypocrite en maudissant l’hypocrisie ? Ce n’est ni la mort, ni le cachot, ni l’air humide, c’est l’absence de madame de Rênal qui m’accable. Si, à Verrières, pour la voir, j’étais obligé de vivre des semaines entières, caché dans les caves de sa maison, est-ce que je me plaindrais ?
L’influence de mes contemporains l’emporte, dit-il tout haut et avec un rire amer. Parlant seul avec moi-même, à deux pas de la mort, je suis encore hypocrite… Ô dix-neuvième siècle ! »
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Rouge_et_le_Noir/Chapitre_LXXIV
Dans l’article suivant, nous verrons justement l’éducation sentimentale de Julien Sorel par madame de Rênal.
Repère à suivre : l’éducation sentimentale de Julien Sorel par madame de Rênal