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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Le serviteur dans la comédie antique

 

Spécial bac de français  : la comédie accueille le duo maître et valet au point de créer un genre établi : la comédie du valet.

maitre, esclave, littérature, antiquité, comédie

 

Repères : duo maître et valet : présentation

 

Dans l’article précédent, nous avons vu que la tragédie octroie un rôle particulier au serviteur. Nous constaterons aujourd’hui que la comédie l’accueille au point de créer un genre établi : la comédie du valet.

 

Comédie de valet

À côté de la tragédie, nous trouvons aussi l’emploi du serviteur dans la comédie. Il vous est proposé de retrouver une illustration savoureuse du serviteur bavard, raisonneur, paresseux dans sa relation avec son maître qui préfigure les serviteurs de Molière.

 

Aristophane

Il s’agit d’un extrait de la pièce les Grenouilles d’Aristophane. Présentons la scène : Dionysos marche à pied pendant que son esclave Xanthias est assis sur une mule et porte le sac de son maître. S’ensuit une conversation familière entre les deux hommes. Vous constaterez dans cet extrait, une double énonciation et de nombreuses remarques mordantes sur d’autres auteurs.

 

« XANTHIAS.

Dirai-je, mon maître, quelqu’un de ces bons mots qui ont le privilège de faire toujours rire les spectateurs ?

DIONYSOS.

De par Zeus ! tout ce que tu voudras, sauf le mot : « Je suis éreinté. » Garde-toi de le dire ; il m’échauffe la bile.

XANTHIAS.

Pas non plus quelque autre facétie ?

DIONYSOS.

Si, excepté : « Je suis exténué. » 

XANTHIAS.

Pourquoi ? Ne puis-je dire quelque chose de bien risible ?

DIONYSOS.

De par Zeus ! dis-le sans crainte. J’en excepte seulement une chose.

XANTHIAS.

Laquelle ?

DIONYSOS.

De dire, en changeant ton paquet d’épaule, que tu as envie de chier.

XANTHIAS.

Et que, portant moi-même un si lourd fardeau, si personne ne me soulage, je vais péter.

DIONYSOS.

Rien de tout cela, je t’en supplie, sinon quand je devrai vomir.

XANTHIAS.

À quoi bon alors porter tout ce bagage, si je ne fais rien de ce qu’a l’habitude de faire Phrynikhos ? Lykis également et Amipsias introduisent toujours des porteurs de fardeaux dans leur comédie.

DIONYSOS.

N’en fais rien. Quand je vois au théâtre ces sortes d’inventions, j’en sors plus vieux d’un an. 

XANTHIAS.

Ô trois fois malheureuse cette épaule ! Elle est rompue, et ne dit pas un mot pour rire.

DIONYSOS.

N’est-ce pas une honte et le comble de la mollesse, que moi Dionysos, fils de Stamnios, j’aille à pied et me fatigue, tandis que je donne à celui-ci une monture, pour qu’il ne souffre pas et qu’il n’ait pas de fardeau à porter ?

XANTHIAS.

Moi, je ne porte rien ?

DIONYSOS.

Comment porterais-tu, puisqu’on te porte ?

XANTHIAS.

Oui, mais j’ai ceci à porter.

DIONYSOS.

Comment ?

XANTHIAS.

Et c’est très lourd.

DIONYSOS.

Mais ce fardeau que tu portes, n’est-ce pas l’âne qui le porte ?

XANTHIAS.

Non pas certes ce que j’ai et que je porte, de par Zeus ! non.

DIONYSOS.

Comment portes-tu, toi qui es porté par un autre ? 

XANTHIAS.

Je ne sais, mais cette épaule est brisée.

DIONYSOS.

Si tu prétends que l’âne ne te sert de rien, à ton tour, prends l’âne et porte-le.

XANTHIAS.

Malheureux que je suis ! Pourquoi n’étais-je pas au dernier combat naval ? Je te ferais longuement gémir.

DIONYSOS.

Descends, maraud ; je vais m’approcher de cette porte, où je dois aller d’abord. Enfant, enfant, holà ! enfant !"

 

Aristophane, Les Grenouilles, traduction Talbot

https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Grenouilles_(trad._Eugène_Talbot)

 

Dans l’article suivant, nous verrons que la comédie de valet inventée par les Grecs entre dans le répertoire du théâtre classique.

 

Repère à suivre : le cercle de famille, siège de la comédie de valet

 

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