Analyse-Livres & Culture pour tous
31 Janvier 2020
Bac de français 2020 : il vous est proposé de découvrir un plan de commentaire possible au célèbre monologue de l’Acte V, scène 3 du mariage de Figaro de Beaumarchais.
Repères : comédie du valet : étude
Dans l’article précédent, nous avons effectué en détail la lecture cursive du plus célèbre monologue de Figaro dans l’Acte V, scène 3, en tenant compte de la méthode des 6 GROSSES CLEFS ©
6 GROSSES CLEFS
Gr : grammaire C : Conjugaison
OS : oppositions le : champ lexical
SES : les 5 sens FS : figures de style
Nous vous proposerons aujourd’hui de répondre à la problématique suivante : comment le valet entrant en compétition avec le maître critique l’ordre social et politique ?
Nous reprenons le schéma de plan prédéfini avec l’acronyme CIIGARE pour tenter d’élaborer une réponse structurée.
A. Le désespoir d’un homme
La scène a lieu dehors sous les marronniers. Le sens de la vue transparaît dans le texte, l’obscurité de la nuit traduit le trouble dans lequel Figaro se trouve physiquement et sur le plan moral. Dans son désespoir, il alterne les différents temps dans un enchaînement d’actions, donnant au récit son rythme enlevé. On trouve du présent de narration, mais aussi de vérité générale. Abandonné, Figaro fait de manière fictive la leçon au monde entier. Il recourt en outre au mode conditionnel, celui des conjectures et également au subjonctif, mode de la réflexion.
B. Jalousie d’un homme.
Conversation avec lui-même au travers d’un monologue original par sa longueur et son caractère profond. Utilisation de tournures de phrases exclamatives, pour évoquer sa jalousie, recours aux phrases interrogatives pour son questionnement personnel. C’est un monologue spontané, sans schéma préétabli. Les points de suspension montrent ses doutes, sa souffrance. Jeu de scène (debout, assis, debout) mettant en évidence sa plaidoirie et les tourments d’un homme. Utilisation de comparatifs pour se mettre en lumière, des conjonctions de subordination en tête de phrase « parce que » « après » « comme » pour se justifier. Il est également dans l’auto-complaisance avec des hyperboles qui sont aussi le moyen pour lui permettre de recouvrer sa dignité d’homme (L13). Nombreuses énumérations donnant un rythme particulier, ternaire (L1, L.94 ). C’est souvent lyrique, mais c’est un moyen pour Figaro de se convaincre lui-même. Tout le monologue comprend des métaphores « tailler la plume » pour écrire ; la vie est une « route, « un chemin ». Dans sa démonstration, il joue aussi sur des périphrases.
Inspiration d’un homme désabusé.
C. Désabusement de Figaro
C’est le désabusement qui marque la tonalité de ce monologue. Après l’enchaînement des comparaisons, on arrive aux oppositions. Figaro lutte, « jouter », contre des personnes dénommées, le comte, puis contre des entités moins définies, ses contemporains. Il faut noter que les dernières oppositions concernent Figaro. Il se dédouble tant il est désabusé dans son questionnement métaphysique. Il est tout et son contraire « laborieux » et « paresseux » et « maître » et « valet ».
A. Plaidoyer sérieux dans la comédie du valet.
Remise en question des codes de la comédie du valet non seulement sur la forme, mais aussi sur le fond. C’est en sa qualité d’homme libre que Figaro porte un regard critique sur le comte. Première critique du valet, la question du mérite cf. l’opposition (naître/travailler). Il se compare avec le comte « un homme ordinaire ». Il conteste les qualités de son rival et utilise des tournures comparatives (L.12), des tournures négatives (L.6,18,) ou restrictives « ne…que ». En tout point, le valet dépasse le maître. Deuxième critique la vertu : opposition des valeurs du valet, homme du peuple avec celles de la société cf. honnêteté/ vol. Notons que le valet cherche à être intègre, ce qui n’est pas forcément le cas dans la comédie du valet (ruse, fourberies etc..). Troisième critique, l’injustice. Figaro détaille les mille entraves à ses nombreuses initiatives pour s’élever socialement (cf. le champ lexical du métier). Quatrième critique, le caractère figé des choses. Dans la comédie, le valet ne se fait pas philosophe ou métaphysicien. Au-delà de l’apparence d’un homme gai, Figaro se révèle aussi comme un être profond qui s’interroge sur la véritable nature de l’homme, cf. le champ lexical de l’animalité.
B. Critique de la société
Au travers de cette argumentation indirecte mise dans la bouche de Figaro, il s’agit pour Beaumarchais de contester les injustices sociales. Caractère autobiographique des critiques du valet. Caractère subversif de l’argumentation. Critique d’une société qui bloque les élans des plus méritants. Caractère « révolutionnaire » de la contestation de Figaro dans ses attaques sur la noblesse oisive. Contestation des limitations au droit d’expression que ce soit dans la création littéraire (comédie/ traité) ou dans la presse (Journal inutile). Critique de l’intolérance (plaire aux puissants) et de la censure (autodafé, lettre de cachet, interdiction). Recours aux tournures impersonnelles pour évoquer l’autorité coupable. Prise de position de Beaumarchais libérale sur la liberté d’expression qui n’a rien de révolutionnaire au fond. Il est question de laisser « les sottises imprimées », car un grand homme ne redoute aucune critique. Ce ne sont que les « petits hommes » qui limitent le droit d’expression. Sur le plan de la vérité, Beaumarchais philosophe dit que « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». La critique doit s’exercer en hommes libres pour qu’elle soit utile. Mais c’est sur un argument subtil que le caractère libéral de Beaumarchais apparaît. La liberté d’expression permet de laisser libre cours à la colère qui tend alors à s’éteindre. À l’inverse, la révolution se nourrit des interdictions et des frustrations du peuple. La liberté d’expression, selon Beaumarchais, permettrait d’éviter toute révolution.
C. Registre pathétique et polémique du monologue
Le monologue nous fait entrer dans le registre pathétique, ce qui est une originalité dans la comédie du valet. Les tourments et le désespoir d’un homme, injustement victime de la société, sont à relever. Son rêve d’ascension social (littéraire) est brisé, il revient au point de départ (barbier, valet). Il cherche à émouvoir par son lyrisme, par l’énumération de ses malheurs le conduisant à évoquer le champ lexical de la mort. Ce monologue présente aussi un caractère polémique dans sa critique virulente de la société, ce qui est une originalité dans la comédie du valet. Pour ce faire, le recours aux métaphores, aux interdictions détaillées (L52 à 56), aux antiphrases donnent une large palette à l’auteur pour dénoncer l’intolérance. Enfin, ce monologue joue un caractère didactique par ses vérités générales qui se présentent comme des leçons universelles.
Après le plan, découvrons la mise en scène de ce monologue d’anthologie. https://youtu.be/f78SON5mDq8
Dans l’article suivant, nous présenterons une synthèse de notre étude.
Repère à suivre : une synthèse de notre étude