10 Novembre 2019
Le silence d’un personnage passe pour être une déficience. Il ne s’inscrit pas dans une sociabilité normale, surtout lorsque l’on est muet de naissance.
Repères : thème du silence : étude : déficience physique
Dans l’article précédent, nous avons évoqué la problématique de notre étude : comment le silence peut, au-delà d’un révélateur d’une déficience verbale, constituer une action voulue et partant devenir une forme du langage. Débutons, aujourd’hui, par le silence qui pointe une anomalie physique.
La littérature a fait naître peu de personnages muets dans la pléiade des héros bavards. Il nous a fallu lancer une recherche pour trouver des êtres silencieux. Nous avons découvert que le mutisme est classiquement associé à une tare. Privé du langage, le muet se situe de facto hors de la société. S’il passe pour un être à plaindre, il n’en va pas de même dans la littérature contemporaine.
Retrouvons sous la plume d’un poète du XIXe siècle la vision tragique d’une déficience physique d’un enfant dans les yeux de sa mère. On comprend que ce mutisme n’est pas acceptable socialement ;il est pour cette raison soustrait de la vue des autres. Le monde du silence fait surgir des larmes, de la honte et de la culpabilité.
« (…)
O Nature ! pourquoi toujours briser nos rêves ?
Et mettre le reflux près du flux sur nos grèves ?
Pourquoi, quand les oiseaux babillent dans les bois,
Cet enfant devait-il muet, triste et sans voix,
Près de sa mère en pleurs, grandir sans rien apprendre,
Ne pas être compris et ne pas la comprendre !…
La mère qui sait tout, en longs vêtements noirs,
N’osant sortir le jour, se promène les soirs
Conduisant par la main le petit muet pâle,
Et, comme un saint qui veille une pierre tombale,
Lui jetant, sans rien dire, un regard adouci :
L’enfant ne parlant pas, elle s’est tue aussi !… »
Georges Rodendach, Muet ! Extrait du recueil, les tristesses (1879)
https://fr.wikisource.org/wiki/Muet_!
Dans la littérature plus contemporaine, il s’avère que le mutisme n’est plus heureusement associé à une tare. Il devient au contraire un univers secret à découvrir. On peut citer récit autobiographique d’Emmanuelle Laborit, le cri de la mouette aux termes duquel elle évoque son parcours de sourde et muette. Mais on pense surtout au roman de Marcus Malte*, Le garçon.
La destinée de cet être sauvage, auquel aucun nom n’a été attribué, se déroule au début du XXe siècle. Le décès de sa mère le conduit à rompre son isolement et à rejoindre la société. Mutique de naissance, il se confronte aux hommes dans ce qu’ils ont de meilleur et de pire. Dans le chaos de ce siècle, il vit, il aime en silence. C’est le roman d’une conscience qui s’éveille sans mots.
Dans l’article suivant, nous verrons le cas des êtres qui ne peuvent plus communiquer…
* Marcus Malte*, Le garçon, folio
Repère à suivre : le thème du silence ou la communication impossible