Il est plus d’un silence, il est plus d’une nuit, Car chaque solitudea son propre mystère: Les bois ont donc aussi leur façon de se taire Et d’être obscurs aux yeux que le rêve y conduit.
Onsent dans leur silence errer l’âme du bruit, Et dans leur nuit filtrerdes sables de lumière.
Leur mystère est vivant : chaque homme à sa manière
Selon ses souvenirs l’éprouve et le traduit.
La nuit des bois fait naître une aube de pensées, Et, favorable au vol des strophescadencées, Leur silence est ailé comme un oiseau qui dort.
Etle cœur dans les bois se donne sans effort: Leur nuit rend plus profonds les regardsqu’on y lance, Et les aveux d’amour se font de leur silence.
Sully Prudhomme, Silence et nuit des bois, Poésie 1866-1872
Le poète emploie des tournures impersonnelles et choisit une organisation didactique avec la ponctuation explicative outre les conjonctions de coordination. On est saisi par le parallèle entre l’homme et la natureet les oppositions avec le bruit. C’est un sonnet qui convoque la vue, le sens le plus propice à l’imagination se déployant dans le noir. Le présent de vérité générale trouve ainsi à s’appliquer de manière universelle. On note le champ lexical notamment de la création poétique. On relève enfin les nombreuses métaphores et comparaisons, outre les personnifications de la nuit. On mesure aussi la beauté des alexandrins aux rimes embrassées. Le silence permet l’évocation de l’amour.
Dans l’article suivant, il sera question pour le poète de rendre hommage au silence.