Analyse-Livres & Culture pour tous
23 Octobre 2019
Le thème du fait divers dans la littérature conduit à examiner aussi des prises de position inopportunes. Dans Sublime, trop sublime, Christine V.Marguerite Duras, fascinée par l’affaire Villemin qui est attisée par une folle pression médiatique, expose à son tour son point de vue féministe sans se rendre compte des conséquences de son écrit.
Repères : fait divers : présentation
Dans l’article précédent, on a constaté le poids de l’intervention de Voltaire dans l’affaire Calas, fait divers du XVIIIe siècle, voyons aujourd’hui une autre prise de parole au XXe siècle.
Le 17 juillet 1985, Marguerite Duras publie un article dans le Journal Libération sur Christine Villemin, mère de Grégory, soupçonnée d’avoir commis le crime. L’écrivaine mondialement reconnue ne peut s’empêcher d’apporter son propre éclairage sur l’infanticide, ce sera Sublime, trop sublime, Christine V.
L’auteure s’exprime à la première personne du singulier pour évoquer la culpabilité de cette femme. Elle se met alors en devoir de défendre Christine V., de ne pas s’être sentie mère, en glosant sur sa vie conjugale et sur sa vie personnelle. Puis le discours de Duras fait entrer en scène le nous, c’est-à-dire la gent féminine.
« c’est là, il me semble, que la raison du meurtre se rapprocherait de nous, qu’une sorte de relation causale décisive s’établirait entre la vie de Christine V et la disparition de son enfant. »
Marguerite Duras engage sa plume dans un combat social contre la « loi du couple faite par l’homme ». Pour ce faire, elle récupère le fait divers pour défendre sa propre cause. En agissant ainsi, elle a fait preuve d’une faute de jugement coupable.
Il faut noter que cette initiative a eu un effet particulièrement malfaisant à l’examen des faits qui se sont succédés. L’article a eu ainsi un vrai retentissement dans les milieux intellectuels parisiens poussant d’autres personnalités à entrer dans cette affaire. Des intellectuels, dont bon nombre de femmes, ont cru bon d’y aller de leur plume pour donner leur propre avis (Régine Desforges, Françoise Sagan…). C’est dans ces conditions que l’on a assisté à un véritable emballement de l’affaire.
Enfin, cette prise de position inopportune s’est avérée mal venue, car Christine Villemin a été entièrement blanchie de ces effroyables soupçons. N’est donc pas Voltaire qui veut…
Sources :
le fait divers et ses fictions,Frédérique Toudoire-Surlapierre, Minuit (2019)
http://ali-aix-salon.com/M.Duras%20Sublime,%20forcément%20sublime%20Christine%20V..pdf
Repère à suivre : le roman du XIXe siècle et le fait divers