Analyse-Livres & Culture pour tous
31 Octobre 2019
Le fait divers fait naître un genre littéraire nouveau, le roman non fictionnel. Il entraîne la conclusion d’un pacte entre l’auteur et le lecteur, ce qui n’est pas sans poser des difficultés notamment sur le plan de l’objectivité de la narration…
Repères : fait divers : étude
Dans l’article précédent, nous avons vu que Truman Capote a créé avec son livre, De sang froid, en théorisant le roman non fictionnel.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de faire le récit du fait divers en ouvrant le champ de la compréhension, au travers d’une analyse psychologique notamment. L’auteur se trouve ainsi confronté à son propre positionnement vis-à-vis de la culpabilité du criminel. Dans certains cas, il peut même prendre une position franche. C’est donc la question de l’objectivité de la narration qui se pose. Existe-t-elle lorsqu’une entreprise d’écriture tente de mettre des mots sur le fait divers ?
Cette question est importante dans la mesure où le lecteur donne du crédit aux propos de l’écrivain. Il subit l’influence de la démonstration qui lui est présentée. Il peut ainsi basculer de l’horreur que suscite le fait divers à une forme de bienveillance. Emmanuel Carrère* a pointé les difficultés de l’entreprise dans le roman de Capote justement.
Il fait grief à l’écrivain américain de ne pas avoir fait état de sa proximité amicale avec les deux meurtriers. C’est une critique qui s’entend clairement, car ce livre est essentiellement axé sur le parcours des tueurs, en ne laissant que la première partie évoquer la famille assassinée. Le choix de l’auteur l’engage lorsqu’il entreprend dans son roman non fictionnel de minorer le caractère crapuleux du crime ou en trouvant des circonstances atténuantes alors que son œuvre fraye avec la littérature et ses effets de style.
Si Emmanuel Carrère fait ce reproche à Capote, c’est avant tout pour justifier sa propre entreprise d’écriture avec une autre affaire importante, l’affaire Romand.
Sources : le fait divers et ses fictions,Frédérique Toudoire-Surlapierre, Minuit (2019)
« Capote, Romand et moi, » E. Carrère, Télérama, 2006.
https://www.telerama.fr/cinema/8489-capote_romand_et_moi_par_emmanuel_carrere.php
Repère à suivre : L’adversaire, Emmanuel Carrère.