Analyse-Livres & Culture pour tous
15 Octobre 2019
La littérature connaît le fait divers. Elle peut même à l’occasion fleurir les pages de la rubrique de presse. Retour sur des écrivains célèbres auteurs ou victimes…
Repères : fait divers : présentation
Dans l’article précédent, nous avons précisé le rôle du fait divers dans l’essor de la presse au XIXe siècle, nous découvrirons aujourd’hui que la littérature peut entrer aussi dans la rubrique à scandale.
La littérature ne vit pas dans des contrées épurées. Elle se nourrit de la chair de l’homme. Il en est de même pour les écrivains qui peuvent eux-mêmes se voir traités comme des auteurs de faits divers. La Gazette, en son temps, a rendu compte du procès de Flaubert pour la publication de Madame Bovary et de Baudelaire pour Les Fleurs du mal.
Découvrons aujourd’hui deux autres affaires exceptionnelles dans le monde des lettres, l’une relative à Verlaine et l’autre à Oscar Wilde.
On connaît le plus célèbre fait divers littéraire français, entre Verlaine et Rimbaud le 10 juillet 1873 à Bruxelles ayant entraîné la poursuite du premier pour coups et blessures volontaires et sa condamnation à deux ans d’emprisonnement à Mons. À notre connaissance et en dépit de nos recherches sur les bases de données belges et françaises, il n’existe pas d’articles de presse sur cette affaire. Cette dernière n’a pris de l’importance qu’à postriori et à l’aune du succès de l’œuvre des deux poètes. Pour vous permettre de connaître dans le détail cette affaire terrible, vous pourrez retrouver les pièces du dossier. Vous pourrez constater avec effarement le rigorisme absolu d’une justice qui cherchait à passer en dépit de l’acte de désistement de Rimbaud…
À la différence du procès cité plus haut, la presse française rend largement compte de l’affaire Wilde qui se déroulent en 1895. Le premier procès s’ouvre le 3 avril 1895 et concerne la plainte pour diffamation formée par l’écrivain contre le marquis de Queensberry. Ce procès s’achève sur un coup d’éclat tel que rapporté par le journal le matin dans son édition du 6 avril 1895 que vous pourrez lire plus bas.
Oscar Wilde est donc arrêté, mis en détention pour outrage public à la pudeur et sodomie. Les gazettes poursuivent la couverture du procès qui sera suivi d’un troisième procès faute de pouvoir trancher. L’homme de lettres est condamné à deux années de travaux forcés.
Une pétition à l’initiative de Stuart Merill est lancée pour demander à la reine Victoria sa clémence. En France, Henry Bauër la relaie. Le poète François Coppée dans le Journal du 30 novembre 1895 déplore d’y voir figurer son nom alors qu’il n’a pas été consulté. Avec perfidie teintée d’une franche homophobie, il écrit :
« Oscar Wilde a peut-être du génie. Comment le saurais-je ? (…) Ce que je sais fort bien, par exemple c’est qu’Oscar Wilde-avant ses malheurs- était absolument inconnu chez nous. Il avait pourtant déjà fait un séjour à Paris et il y avait laissé le souvenir d’un insupportable poseur, voilà tout. Depuis son aventure -n’insistons pas sur cette ignoble histoire- depuis son aventure seulement il a été promu homme de génie.
Convenez que c’est bizarre, tout de même. »
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7621255c/f1.item.r=wilde.zoom
Dans l’article suivant, nous verrons de quelle manière la littérature s’est emparée du fait divers.
Sources :
https://www.rene-guitton.fr/rimbaudverlaine-lacharnement-judiciaire
https://le-carnet-et-les-instants.net/wp-content/uploads/2016/03/verlaine_en_belgique.pdf
Repère à suivre : le fait divers dans la littérature