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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Lorsqu’Aurore Dupin vivait en paysanne dans le Berry

Aurore Dupin, alias George Sand, a bénéficié d'une enfance à la campagne dans le Berry, au plus près de la nature qu'elle a toujours tant aimée. Cette influence se retrouve dans ses écrits autobiographiques et notamment dans le voyage chez monsieur Blaise.

 

Aurore Dupin, George Sand, campagne, Berry, paysan, enfance

 

Repères :  George Sand  : jeunesse

 

Dans l’article précédent, nous avons évoqué la jeune Aurore aux prises avec l’affection rivale de sa mère et de sa grand-mère paternelle. Voyons aujourd’hui la liberté que l’enfant a su goûter dans le Berry. Elle parlait le berrichon, jouait avec son demi-frère adoré, montait à cheval en pantalon et causait volontiers avec les camarades de son âge. Une sauvageonne en somme au désespoir de sa grand-mère qui tenait à en faire une dame…

 

Colette

Retrouvons-là dans le court récit dans sa jeunesse et publié à titre posthume en 1877. Ce texte évoque un déjeuner champêtre dans la famille de monsieur Blaise, dans la province berrichonne. Au retour, la petite société, dont fait partie la narratrice de l’histoire, se perd sur le chemin. L’équipage à cheval tourne en rond et la nuit approche. Les protagonistes croient vivre un rêve éveillé. Le cheval Colette prend alors les choses en main. On retrouve les thèmes de prédilection de l’auteure, la nature, l’imaginaire...

***

« Mon cerveau me promena ainsi à travers de douces visions, jusqu’à ce que le fer de ma Colette, frappant sur un caillou, en fît jaillir un éclair qui me réveilla.

D’autres éclairs dus à la même cause se produisirent sous les pieds des autres chevaux.

— Ah çà ! dit mon frère, nous ne nous rapprochons pas du tout de chez nous. Nos chevaux battent le briquet sur des silex et nous devrions être depuis longtemps sur le calcaire.

— Mais on ferre toute la route de Châteauroux avec des cailloux de rivière, répondit Duteil ; nous sommes sur la route postale.

— Allons donc ! nous sommes sur les coteaux de la Chassaigne !

— Non pas, reprit Hydrogène, nous descendons depuis une demi-heure. Je crois que nous retournons à Montipouret. 

Mon frère mit pied à terre et dit :

— Aïe ! nous sommes dans les échaussis jusqu’aux genoux.

— Alors, reprit Duteil, nous traversons la chaume de Chavy ?

— Vous êtes fous, leur dis-je ; ce que vous prenez pour des chardons, ce sont des créneaux. Nous sommes sur le haut des ruines de Saint-Chartier.

— Pourquoi non ? dit Duteil, tout est illusion dans la vie, et l’imagination peut nous promener aussi commodément là qu’ailleurs.

Encore un quart d’heure de marche et de causerie, lorsque je pris les devants, me fiant à l’instinct de ma Colette plus qu’aux notions de mes amis. La bonne créature s’arrêta, et, par un mouvement que je connaissais bien, me demanda la permission de boire.

— Qu’y a-t-il ? cria Duteil.

— Il y a, lui dis-je, que nous sommes dans la rivière. Reste à savoir si c’est l’Indre, la Vauvre ou la Couarde.

— Ça, une rivière ? reprit Duteil, dont la bête clapotait lourdement dans l’eau ; encore une hallucination ! Vous êtes sur les galets de la mer Caspienne. 

— Y a-t-il des galets dans la mer Caspienne ? 

— Pourquoi pas ? il y en a bien dans l’Indre ! Allons, toujours. 

J’avançai, mais Colette refusa d’aller plus avant. Le vent agitait la cime des aulnes, et, devant nous, une ligne blanchâtre annonçait, par un bruit frais et charmant, que nous marchions droit sur une écluse. Caroline riait, mais Rose commençait à avoir peur, à gronder Hydrogène et à craindre qu’il ne nous menât noyer. 

— Restez là, nous dit mon frère. Je vais explorer l’autre rive. Il s’enfonça dans des prairies humides et revint sans avoir trouvé d’issue. 

— Voulez-vous m’en croire ? leur dis-je. Mettons la bride sur le cou de nos chevaux et nous serons vite chez nous. Il y a longtemps que Colette m’avertit que nous tournons le dos à son gîte.

Colette étant reconnue comme la plus intelligente de nous tous, on me laissa prendre la tête. Elle s’enfonça dans un dédale de petits chemins couverts où je la laissai absolument libre de choisir, et, un quart d’heure après, galopant en liberté sur la route, nous entendions la voix de nos chiens saluant notre retour au bercail. »

Voyage chez monsieur Blaise, George Sand  (1877)

https://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_chez_M._Blaise

 

Sources Chère George Sand de Jean Chalon, Grandes biographies Flammarion (1991)

 

Repère à suivre : Aurore Dupin et l’éducation de son temps

 

 

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