Analyse-Livres & Culture pour tous
23 Septembre 2019
L'engagement politique de George Sand s'enracine dans ce siècle profondément tumultueux. Elle assiste en spectateur avant de prendre une part active, la plume à la main.
Repères : George Sand : vie littéraire
Dans l’article précédent, nous avons abordé le féminisme de George Sand. Découvrons aujourd’hui son engagement social duquel naissent ses aspirations politiques.
George Sand a toujours considéré avec souci et sérieux les paysans du Berry depuis qu’elle a partagé leurs jeux dans son enfance. Elle entretient naturellement des liens d’amitié avec eux. Ce sont « presque » des amis. Elle se dépense sans compter pour soigner ses voisins avec ses remèdes à base de plantes. En fille du progrès, l’auteure voit aussi la misère des campagnes où l’instruction fait cruellement défaut. De son point de vue, le poids des traditions et de la religion freine l’évolution des mentalités. C’est dire si elle est passionnée par les révolutions qui pourraient faire avancer le cours de l’Histoire.
George Sand est à Nohant d’où elle suit les évènements de la révolution avec passion, mais à distance. C’est Jules Boucoiran, le futur précepteur des enfants, qui la renseigne sur l’évolution. Elle a vingt-six ans et se sent en phase avec son époque qui appelle à un changement politique. Pour elle, la Restauration a fait son temps. Mais elle reste encore spectatrice de la situation. Elle vit en mode majeur les épisodes de sa vie privée. On a vu que ce vent de révolte est aussi celui qui la pousse à quitter Casimir pour vivre avec Jules Sand. C’est alors à Paris qu’elle veut agir…
George Sand fréquente déjà dans le Berry des amis républicains et libres-penseurs. En arrivant à Paris, elle étend son cercle à des personnalités socialistes majeures, telles que Barbès, Blanqui, Louis Blanc, Ledru-Rollin. La présence de cette femme, au demeurant baronne Dudevant, leur paraît finalement naturelle, compte tenu de sa fibre socialiste. George Sand entend se cantonner dans le champ de la littérature. Sa plume est au service de la cause des femmes et de la société. Mais elle ne fait pas encore de politique à proprement dit.
Il faut attendre 1843 pour voir George Sand écrire son premier article politique. Elle se base sur un fait divers, Fanchette, pour dénoncer le lâche abandon en plein chemin d’une simple d’esprit par une institution religieuse. Sa publication sous la signature de Blaise Bonnin émeut la France entière. Voici un extrait de Fanchette :
« Sur ces entrefaites, notre maire, qui est aussi notre député, comme vous savez, arrive de Paris. Instruit par la clameur publique, il veut interroger et connaître les coupables. Personne ne se soucie de répondre; car on commence à comprendre que ce n'est pas si joli de perdre un enfant sur un chemin, et que, si un pauvre avait fait pareille drôlerie, on pourrait bien parler des galères pour lui apprendre à vivre. Mais le maire insiste, et va aux preuves. Enquête est dressée, d'où il résulte que Thomas Desroys a reçu, de ses supérieurs, ordre de perdre une petite fille; que lesdits supérieurs, maîtres de poste et entrepreneurs de diligence, ont donné cet ordre, à la requête de la supérieure de l'hospice, laquelle en a reçu le conseil des membres les plus influents du conseil d'administration. Les gens de la poste disent qu'ils ont trouvé la commission désagréable, mais que la Supérieure a levé leurs scrupules en leur disant que l'enfant ne serait pas inscrit sur la feuille de départ des Voyageurs. La supérieure dit qu'elle n'eût pas pris l'affaire sur elle, si son administrateur ne le lui eût grandement conseillé. Les autres membres du conseil disent que c'est une misère ; qu'il est ridicule de relever une pareille affaire; que c'est vouloir faire du scandale, chercher à déconsidérer des gens respectables, vu qu'ils sont riches et ont la main longue; qu'enfin ils sont résolus à s'en
taire, dans l'intérêt des mœurs, et pour la plus grande gloire de Dieu.(…) »
Fanchette dans légendes rustiques (1883)
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George Sand écrit dès lors régulièrement dans l’Éclaireur de L’Indre, journal hebdomadaire d’opposition qu’elle soutient aussi financièrement. Elle y est très active jusqu’à ce qu’il cesse de paraître le 22 juillet 1848. Le tourbillon de la révolution de février 1848 l’embrase.
Elle met sa plume au service de la cause.
Repère à suivre : George Sand et la révolution de 1848