Analyse-Livres & Culture pour tous
10 Septembre 2019
Aurore Dupin va devenir la baronne Dudevant par son mariage. C'est une union d'intérêt qui sera source de désillusions. George Sand obtiendra la fin de cette relation par le biais d'une séparation judiciaire.
Repères : George Sand : vie de famille
Dans l’article précédent, nous nous sommes intéressés à l’éducation reçue par Aurore Dupin avant qu’elle ne se marie. Découvrons aujourd’hui le couple atypique qu’elle a formé avec Casimir Dudevant.
Il s’agit d’une union de raison et d’intérêt qui a convenu à la jeune Aurore, encore candide. Son mari s’avère un homme aimable avec lequel elle se croit heureuse. Elle mène une existence routinière. Passionné de chasse et grand buveur, Casimir la délaisse. Rapidement, la vie commune à Nohant et l’ennui qui en découle font naître en elle un profond sentiment de solitude. Aurore connaît à cette occasion un épisode de dépression, le « spleen ».L’harmonie conjugale cède alors devant le constat d’une simple camaraderie entre eux. L’amour a fui. Pour se distraire, la jeune femme organise toute une série de réjouissances à Nohant qui défrayent la chronique de la petite ville de province. À l’heure de la révolution de 1830, c’est aussi le temps des bouleversements domestiques dans le Berry. C’est ainsi que la première séparation a lieu. Il s’agit d’une séparation à l’amiable.
Fait incroyable pour l’époque, les époux Dudevant vont passer un accord permettant à Aurore Dupin de vivre par intermittence à Paris et de revenir à Nohant pour s’occuper de ses enfants. Son mari s’engage alors à lui verser une pension pour ses frais, enveloppe qui sera vite insuffisante pour subsister à Paris. Nous verrons abondamment le rapport de l’argent avec George Sand dans les articles à venir. Précisons aussi que la séparation de fait implique pour Casimir et Aurore qu’ils puissent mener leurs amours à leur guise, ce que l’un et l’autre s’autorisent déjà librement dans le Berry. Ainsi avec l’accord de Casimir, George part avec Musset, à Venise. On est en 1835 et George Sand a 31 ans.
Cette situation aurait pu perdurer ainsi si la mésentente dans le ménage, aussi libre soit-il, n’était pas apparue. Casimir déclare qu’il s’ennuie trop à Nohant et veut lui aussi vivre à Paris. Ce revirement les oblige à repenser totalement l’organisation du couple notamment sur le plan financier. Mais les conventions qu’ils signent ne règlent pas la question. De profondes frustrations surgissent de part et d’autre.
Un évènement capital daté du 19 octobre 1835 va précipiter les choses. Dans son récit autobiographique, George Sand emploie une litote pour narrer cette circonstance :
« Le 19 octobre 1835, j’avais été passer à Nohant la fin des vacances de Maurice. À la suite d’un orageque rien n’avait provoqué, rien absolument, pas même une parole ou un sourire de ma part, j’allai m’enfermer dans ma petite chambre. » (HDMV Ve partie, chapitre x) Quel est donc cet orage déclencheur de la procédure de séparation judiciaire de corps ? (le divorce n’étant pas autorisé depuis la Restauration ; il sera rétabli en 1884).
S’énervant sur son fils qui est venu se réfugier vers sa mère, Casimir tente de gifler George Sand avant de la menacer d’une arme devant des amis. Cette dernière quitte le domicile conjugal. Cet incident transforme George Sand en une femme résolue qui veut désormais préserver ses enfants. Cette scène terrible sert de fondement à la demande de séparation judiciaire qui sera rapportée notamment dans la Gazette des tribunaux.
Elle ne craint pas de défrayer la chronique en poursuivant son mari dans une procédure évidemment publique. Curieuse, la foule s’y presse en masse et les journalistes aussi qui commentent allègrement les débats. En première instance et en appel, George Sand gagne son procès.
À l’été 1836, Casimir doit donc quitter Nohant en contrepartie de la perception à son seul profit des revenus d’un immeuble de rapport parisien appartenant à sa femme. George Sand conserve Nohant et la garde de sa fille, mais abandonne celle de son fils. La lutte a été rude et c’est désormais à ses enfants que George Sand décide de se consacrer : « Je n’ai plus d’autre passion que celle de la progéniture. C’est une passion comme les autres, accompagnée d’orages, de bourrasques, de chagrins et de déceptions. Mais elle a sur toutes les autres l’avantage de durer toujours, et de ne se rebuter de rien. » (16 octobre 1836, lettre à Franz Liszt)
https ://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_1812-1876,_2/1836/CLVII
Dans l’article suivant, nous verrons en effet tout l’attachement que George Sand porte à ses deux enfants.
Repère à suivre : la baronne Dudevant et ses enfants