Analyse-Livres & Culture pour tous
18 Septembre 2019
Pourquoi George Sand a-t-elle choisi un pseudonyme masculin ? Qui est à l'origine de ce choix ? Vous saurez tout sur ce nom passé à la postérité.
Repères : George Sand : vie littéraire
Dans l’article précédent, nous avons évoqué les débuts de journaliste et d’écrivain de celle qui signe deux fois sous le nom de Jules Sand et une fois sous celui d’Alphonse Signol, voyons aujourd’hui la question du choix du pseudonyme de George Sand.
Le pseudonyme émane de Delatouche, son premier éditeur. Découvrons les motifs qui ont présidé au choix de cette singulière signature. Avec modestie, l’auteure confie les dessous de cette histoire. Notons aussi que, pour la première fois dans la littérature, ce matronyme sera transmis aux héritiers d’Aurore Dudevant qui l’adopteront.
« Le nom que je devais mettre sur des couvertures imprimées ne me préoccupa guère. En tout état de choses, j’avais résolu de garder l’anonyme. Un premier ouvrage fut ébauché par moi, refait en entier ensuite par Jules Sandeau, à qui Delatouche fit le nom de Jules Sand. Cet ouvrage amena un autre éditeur qui demanda un autre roman sous le même pseudonyme. J’avais écrit Indiana à Nohant, je voulus le donner sous le pseudonyme demandé ; mais Jules Sandeau, par modestie, ne voulut pas accepter la paternité d’un livre auquel il était complétement étranger. Cela ne faisait pas le compte de l’éditeur. Le nom est tout pour la vente, et le petit pseudonyme s’étant bien écoulé, on tenait essentiellement à le conserver. Delatouche, consulté, trancha la question par un compromis : Sand resterait intact et je prendrais un autre prénom qui ne servirait qu’à moi. Je pris vite et sans chercher celui de George qui me paraissait synonyme de Berrichon, Jules et George, inconnus au public, passeraient pour frères ou cousins. »
HDMV, chapitre XIV, IVe partie
https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_de_ma_vie_(Sand,_édition_Gerhard)/Texte_entier3
Il reste qu’elle signe Georges puis George sans s à l’anglaise, langue qu’elle parle, ainsi que nous le savons, depuis ses années de pension. Il faut lire la note de Georges Lubin dans l’édition de la Pléiade pour s’en donner une petite idée. À l’analyse de cette phrase, « Je pris vite et sans chercher celui de George qui me paraissait synonyme de Berrichon », il estime que ce prénom qui n’a rien de Berrichon renvoie davantage aux Géorgiques de Virgile, à l’homme de la terre. Intéressante explication.
Il reste que tous ses amis l’appellent désormais George, et adoptent le genre masculin qui en découle. Exit Aurore…
« Mon cher George,
Je viens de lire pour la première fois Gabriel, et je suis dans le ravissement, c’est une pièce de Shakespeare, et je ne comprends pas que vous n’ayez pas mis cela à la scène. Je suis content au-delà de toute expression et je ne veux pas me coucher sans vous l’avoir écrit, parce que j’imagine que cela vous fera plaisir, venant de
votre vieux Mar
18 juillet, minuit.
Source : Mon cher George, Balzac et Sand, histoire d’une amitié, Gallimard, page 151
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