Analyse-Livres & Culture pour tous
29 Mai 2019
Le thème du populisme dans la littérature nous conduit à examiner le registre littéraire des deux récits, objets de notre étude.
Repères : thème du peuple : étude
Il a été présenté dans l’article précédent la problématique de l’étude, qui se définit comme suit : comment décrire la colère du peuple et les ressorts populistes sous-jacents ? Nous tenterons d’y répondre au travers de la lecture des deux romans suivants :
Après avoir abordé la question du peuple, le caractère soudain de l’insurrection populaire, le rejet viscéral des structures sociales, la revendication morale, le statut de l’Histoire, il est temps de découvrir le registre littéraire des deux livres.
L’Orde Cendrars est un roman fondé sur un fait réel, mais qui n’a rien d’historique dans son propos. Le sous-titre, la merveilleuse histoire du général Johann August Suter,évoque davantage le héros d’une légende du Far West. Il s’agit d’une analyse psychologique du personnage, de ses espoirs, ses doutes et son désespoir. De manière systématique, Cendrars alterne les points de vue externe/interne. Il fait aussi le choix d’une narration au présent, ce qui donne à l’œuvre de nous faire progresser dans la lecture à vive allure. Pourquoi ? Parce que l’on entre dans le champ de l’épopée tragique. Le parcours de Suter se résume à entreprendre, puis à tomber, à se relever avant enfin de chuter définitivement.
Une rupture narrative est à noter au chapitre VII qui anticipe les effets pervers de la ruée vers l’or. L’auteur oppose la paix à l’or. Le chapitre 17 en écho se termine par cette question répétée deux fois :
« Qui veut de l’or ? qui veut de l’or ? » (page 169) Évidemment personne, lorsqu’on songe au désastre qui en découle.
Découvrons le registre littéraire du récit d’Éric Vuillard.
La guerre des pauvresest aussi un récit fondé sur des faits réels qui ont été rapportés, sans crainte de manichéisme et d’anachronismes, par Éric Vuillard. Ce dernier pose, en effet, de nombreux jugements de valeur qui troublent la lecture.
« Les querelles sur l’au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde. C’est là tout l’effet qu’ont encore sur nous ces théologies agressives. » (page 59)
Il s’agit d’un livre au registre polémique puisqu’à la violence des puissants répondent les révoltes des petits. Il le dit dans ces termes :
« Les exaspérés sont ainsi, ils jaillissent un beau jour de la tête des peuples comme les fantômes sortent des murs. » (page 43)
D’ailleurs, Éric Vuillard évoque son statut dans le récit qu’il écrit. Si chaque groupe social gère ses propres affaires, l’écrivain, lui, se trouve engagé dans une tâche particulière ;
« Aux paysans le foin ! aux ouvriers le charbon ! aux terrassiers la poussière ! aux vagabonds la pièce ! et à nous les mots ! Les mots, qui sont une autre convulsion des choses. » (page 59) Partant, il se situe face à une histoire qu’il reprend, commente, critique avec l’arrogance de l’homme du XXIe siècle. Il fait le choix contestable d’être à la fois juge et partie.
On conclura enfin sur le fait que la date de sortie du récit d’Éric Vuillard a été avancée de manière opportune pour entrer en résonance avec le mouvement social des gilets jaunes et surfer ainsi sur la vague populiste…
Repère à suivre : la synthèse