Analyse-Livres & Culture pour tous
8 Mai 2019
Le thème du peuple dans la littérature prend un autre sens au XVIIe siècle. C'est époque ou l'on manie davantage le concept de tiers ordre qui s'oppose au clergé et à la noblesse. Retrouvons aussi La Bruyère et sa vision du peuple qui ploie sous la misère.
Repères : thème du peuple : présentation
Dans l’article précédent, nous avons vu l’évolution du mot populus au Moyen-Âge, découvrons la notion de peuple au XVIIe siècle.
La définition du mot peuple s’élabore autour du concept de tiers-ordre, le futur tiers-état qui coexiste avec le clergé et la noblesse. Comment le pouvoir monarchique conçoit-il le peuple ? Il vous est proposé de lire un extrait du testament politique de Richelieu, ministre de Louis XIII. Pour ce dernier, le peuple prend la forme d’un mulet portant des charges lourdes :
« Tous les politiques sont d’accord que si les peuples étaient trop à leur aise, il serait impossible de les contenir dans les règles de leur devoir ; leur fondement et qu’ayant moins de connaissance que les autres ordres de l’État beaucoup plus cultivés ou plus instruits, s’ils n’étaient retenus par quelque nécessité, difficilement demeureraient-ils dans les règles qui leur sont prescrites par la Raison et par les Lois.
La Raison ne permet pas de les exempter de toutes charges, parce qu’en perdant en tel cas la marque de leur sujétion, ils perdraient aussi la mémoire de leur Condition et que s’ils étaient libres de Tributs, ils penseraient l’être de l’obéissance.
Il les faut comparer aux Mulets qui étant accoutumés à la charge se gâtent par un long repos plus que par le travail, mais ainsi que ce travail doit être modéré, et qu’il faut que la charge de ces animaux soit proportionnée à leurs forces. Il en est de même des subsides à l’égard des Peuples…. »
Gallica, Testament d’Armand du Plessis, 1ere partie, 4echapitre, 5esection : du Peuple
Dans une autre partie de son testament, il évoque aussi les moyens pour décharger le peuple de toutes ces charges. Vœu pieu.
Il reste que des personnalités s’émurent du sort réservé au peuple. Des remontrances au roi eurent lieu pour contester des édits particulièrement défavorables au peuple. Il reste que dans l’esprit de la Monarchie absolue de droit divin, le souverain peut exiger tous les efforts à son peuple. Il ne reste plus qu’aux moralistes à attirer l’attention sur le sort des paysans. Prenons La Bruyère.
La Bruyère
Le moraliste du XVIIe siècle rappelle à l’homme riche la misère du peuple. Reprenant la métaphore de la bête, il pointe le scandale de la misère :
« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé. »
Les caractères, La Bruyère, I28 (IV)
Source :
https://journals.openedition.org/etudesromanes/6027
repère à suivre : la servitude du peuple