Analyse-Livres & Culture pour tous
12 Mai 2019
Le thème du peuple dans la littérature nous conduit à l'examiner sous son angle laudatif. Le peuple peut en effet être sujet d'hymnes à sa gloire ; il peut aussi faire naître le nationalisme.
Il s’agit d’une méditation sur une France mystique, solide et pleine de ressources. Dans l’extrait qui vous est présenté, c’est Dieu qui interpelle le Peuple français pour lui tresser des couronnes.
« Peuple honnête, plein de jeunesse,
Plein de ma jeunesse et de ma grâce.
Les eaux du ciel, tu n’en es point intimidé.
Tu n’en es point embarrassé, les eaux du ciel tu les détournes.
Les jours mauvais pleuvent et pleuvent, ils ne te corrompent point.
Au contraire, peuple qui assainis tout.
France ma fille aînée.
Les jours mauvais tu n’en fais point des corruptions et des pestilences.
Des eaux corrompues, des eaux mortes.
Les jours mauvais tu n’en fais point des mortes eaux.
Toutes glaireuses.
Mais jardinier, peuple jardinier tu en fais ces beaux ruisselets d’eau vive
Qui arrosent les plus beaux jardins
Qu’il y ait jamais eu au monde.
Qui arrosent les jardins de ma grâce, les éternels jardins.
Moi je sais, dit Dieu, jusqu’où un Français peut se taire.
Sans rompre l’alignement.
Je sais jusqu’où un Français peut ne pas rompre une ordonnance.
Et ce qu’ils souffrent en dedans, et jusqu’où,
Quelles épreuves ils portent, sans bouger d’une ligne,
Comme un beau pont, comme une belle voûte bien juste.
Quels sacrifices ils m’apportent, (en secret), nul sacrifice
n’est si profond
Qu’un labour français.
Péguy,le Porche de la deuxième vertu,
https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Peguy_oeuvres_completes_05.djvu/416
Il n’y a qu’un pas pour aboutir au nationalisme compris comme l’exaltation de l’idée nationale. Ce sentiment poussé à son paroxysme contribue à une logique de division. Un peuple qui s’oppose, une France dressée l’une contre l’autre…
Barrès est à l’origine du terme nationalisme conçu à la fin du XIXe siècle. Dans son ouvrage, Scènes et doctrines du nationalisme, l’auteur revient ainsi sur l’affaire Dreyfus. La Gazette vous avait proposé de lire une correspondance entre Dreyfus et sa femme.
Anti-Dreyfusard convaincu, Barrès s’adresse alors aux bons Français dans les termes suivants :
« Je juge le symbole Dreyfus par rapport à la France.
La mise en liberté du traitre Dreyfus serait après tout un fait minime, mais SI Dreyfus est plus qu’un traitre, s’il est un symbole, c’est une autre affaire : c’est l’affaire Dreyfus ! Halte-là ! Le triomphe du camp qui soutient Dreyfus-symbole s’installerait décidément au pouvoir les hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre. Et moi je veux conserver la France.
C’est tout le nationalisme, cette opposition. (…)
Il ne faut point se plaindre du mouvement antisémite dans l’instant où l’on constate la puissance énorme de la nationalité juive qui menace de « chambardement » l’État français. »
Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme,
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56013884/f43.image
repère à suivre : l’internationale ouvrière