Analyse-Livres & Culture pour tous
15 Avril 2019
La célébration de Paris dans la littérature s'effectue au travers de son décor magnifié. La capitale prend ainsi la forme d'une scène de théâtre où les rôles sont distribués ainsi que Balzac le fait dans la Comédie humaine. Du haut de ses monuments, Vigny glorifie le travail de l'homme. Paris est une source d'inspiration littéraire...
Repères : thème de Paris : présentation
Dans l’article précédent, nous avons compris que Paris avait pénétré le champ de la littérature sous l’impulsion des romantiques dès la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. À cet égard, on a pu mesurer les critiques apportées à ses mœurs. Délaissons ces dernières et découvrons la beauté du décor urbain de la capitale. Paris entre alors dans le champ du mythe littéraire.
Le mot décor est utilisé à bon escient, car Paris est un théâtre de la vie comme avec Balzac et sa Comédie humaine où la rive droite habitée par l’aristocratie d’Empire s’oppose avec la rive gauche, siège de l’aristocratie de robe. Personnage emblématique, Rastignac est prêt à entrer en scène. Il a d’ailleurs le sens de la formule dans le Père Goriot :
« Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses :
— A nous deux maintenant !
Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen. »
Balzac, le Père Goriot, 4epartie
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Père_Goriot/IV
Le décor du roman donne à Paris tout son relief. La poésie aussi pose un regard de contemplation sur cette ville. De nombreux auteurs l’ont portée aux nues. On songe à Apollinaire, mais aussi à Vigny.
Prenons Vigny qui nous entraîne en haut de l’Arc de Triomphe et qu'y voit-il ? La glorification du travail de l’homme…
« PARIS
ÉLÉVATION
Prends ma main. Voyageur, et montons sur la tour. —
Regarde tout en bas, et regarde à l’entour.
Regarde jusqu’au bout de l’horizon, regarde
Du nord au sud. Partout où ton œil se hasarde,
Qu’il s’attache avec feu, comme l’œil du serpent
Qui pompe du regard ce qu’il suit en rampant,
Tourne sur le donjon qu’un parapet prolonge,
D’où la vue à loisir sur tous les points se plonge
Et règne, du zénith, sur un monde mouvant
Comme l’éclair, l’oiseau, le nuage et le vent.
Que vois-tu dans la nuit, à nos pieds, dans l’espace,
Et partout où mon doigt tourne, passe et repasse ?
— Je vois un cercle noir si large et si profond,
Que je n’en aperçois ni le bout ni le fond.
Des collines, au loin, me semblent sa ceinture,
Et pourtant je ne vois nulle part la nature,
Mais partout la main d’homme et l’angle que sa main
Impose à la matière en tout travail humain. »
Vigny, poèmes antiques et modernes, les Destinées (1883)
https://fr.wikisource.org/wiki/Paris_(Vigny)
Nous verrons, dans l’article suivant, que la déambulation dans Paris devient poétique avant que la capitale elle-même ne devienne littérature ou poésie par le procédé de personnification.
repère à suivre : déambulation poétique dans Paris au XIXe siècle