Analyse-Livres & Culture pour tous
24 Avril 2019
Le thème de Paris dans la littérature pose aussi la question du temps. Dans les deux romans que nous étudions, les dernières nuits de Paris de Soupault et les pêcheurs d'étoiles de Jean-Paul Delfino, il est question de minuit et de l'opposition entre le jour et la nuit.
Repères : thème de Paris : étude
Dans l’article précédent, nous avons continué l’étude consacrée à une folle échappée parisienne entre mystères et poésie au travers de la lecture croisée de deux romans emblématiques que nous avons préalablement présentés :
Nous avons abordé le premier point commun de ces œuvres relatif aux promenades nocturnes, à l’ambiance mystérieuse de la nuit, puis la géographie particulière. Voyons aujourd’hui la thématique du temps traitée de manière singulière dans chacun des livres. En effet, si cette notion revêt une importance cruciale dans la littérature surréaliste, elle s’incarne aussi de manière poignante dans le roman de Delfino. Quel rôle joue-t-elle ?
Dans la littérature surréaliste, le temps est une donnée incontournable. On joue ainsi avec l’heure, les jours et les mois. Il est insondable. Il fait figure de données étranges. Ainsi le narrateur est-il rattrapé par l’aspect temporel lorsqu’il assiste impuissant à un évènement terrible.
À Minuit, « l’heure des crimes » (page 13), il assiste ainsi à une scène particulièrement violente d’autant qu’il comprend mal ce qui s’y passe en réalité. Ce n’est que le lendemain qu’il apprend le meurtre d’un homme effectué dans des conditions atroces. Le roman se poursuit les jours suivants avec une curieuse expérience du temps.
Le narrateur s’aperçoit durant quatre jours que son horloge s’arrête invariablement et sans raison à 23h35 : « Mais le quatrième jour, vers onze heures et demie, mon cœur battait parce que j’espérais qu’enfin la pendulette brevetée allait perdre cette habitude. À onze heures trente-cinq, sous mes yeux, avec un bruit significatif, la pendule s’arrêta. Et l’on sonna à la porte. »(page 36) L’intrigue repartira pour être chaque fois rythmée par ce temps, notamment les saisons, qui ne se fait jamais oublier dans son étrangeté la plus totale.
La thématique du temps dans le roman de Delfino est finalement plus classique. On trouve tout particulièrement une opposition entre la nuit qui s’oppose au jour.
Cendrars et Satie se trouvent au petit matin, à l’aube de se séparer après une nuit extraordinaire. Mais nous avons vu précédemment qu’une nouvelle péripétie donnera à l’échappée un aspect diurne. De quelle nature ? Crachant du sang, le musicien est emmené d’urgence par Cendrars à l’hôpital. On lui diagnostique une cirrhose au stade terminal. Une seule idée s’impose pour le poète, poursuivre cette folle échappée en offrant au moribond le seul voyage de sa vie. Il veut donner à celui qui est devenu son ami un ultime bonheur.
« Puisqu’il n’avait pas bourlingué autrement qu’entre Paris et Arcueil-Cachan, il allait lui faire connaître autre chose, la sensation enivrante de tout quitter derrière soi, sans même un sac sur le dos, pour partir à l’aventure. Ce ne serait ni le Brésil, ni le Japon. Ce serait juste ailleurs, là où personne ne l’attendait. Là où ils seraient pleinement les maîtres de leurs destinées. » (page 191)
Pour cela, il faut la lumière du jour pour s’enivrer de la beauté du paysage…
Repère à suivre : Paris, lieu de rencontres