Analyse-Livres & Culture pour tous
2 Mars 2019
Le terme autobiographie doit être analysé : quelle est son origine ? Quelle est son étymologie ? Il s'agit en outre de comprendre ce que la notion renferme. Il faut enfin analyser la définition donnée par Philippe Lejeune avec la triple identité entre le narrateur, le personnage et l'auteur.
Repères : thème de l’autobiographie : présentation
Dans l’article précédent, nous avons indiqué le sommaire du thème de l’autobiographie. Il convient aujourd’hui de nous entendre très exactement sur les termes. On sait à peu près tous ce que cette notion signifie. Précisons que trois termes sont à décomposer étymologiquement en grec :
Origine du mot
Ce mot est un néologisme anglais, autobiography, né au début du XIXe siècle et repris dans le dictionnaire français depuis le milieu du XIXe siècle *
On parle donc d’écriture de soi. Cependant, on ne peut en rester à cette simple explication. Le récit de soi dans le champ littéraire répond à des critères bien précis édictés par Philippe Lejeune** que nous nous bornons à reprendre ici.***
De manière doctrinale, l’autobiographie concerne d’abord et avant tout un récit rétrospectif d’un écrivain. Il s’agit d’une reconstitution d’une existence revue et corrigée par son propre auteur. Nous sommes dans le domaine de l’interprétation. La notion du temps contribue à percevoir dans ce genre déterminé un retour sur soi, ce qui le distingue par définition du journal intime qui s’écrit de manière concomitante aux faits décrits et aux mémoires qui traditionnellement traitent principalement des considérations historiques. (Mémoires de Saint Simon)
Ce genre de récit conduit à un bien étrange rapport entre l’auteur et le lecteur. Ce lien est plus proche que dans n’importe quel ouvrage littéraire. On parle en effet de « pacte autobiographique» qui s’analyse en un contrat implicite passé entre l’auteur et le lecteur. L’objet de la convention entre les deux parties s’articule autour du récit d’une vie offert par le premier et accepté par le second.
À l’inverse du roman, on exclut le fictif (l’autofiction) et l’imaginaire pour se fixer de commune intention entre les parties dans le réel. Les conséquences implicites ont trait notamment à la mesure du vrai. On verra que cette quête d’authenticité peut à des degrés divers être entreprise par l’écrivain qui n’est jamais à l’abri des deux écueils suivants : une autobiographie édulcorée et une autobiographie narcissique. Vous aurez compris que le maître de l’ouvrage décide finalement seul de placer le curseur sur ce qu’il a vraiment à nous dire.
Par ailleurs, pour qu’il y ait véritablement une autobiographie, il faut au sein du récit une triple identité entre :
Cela distingue l’autobiographie d’un récit écrit à la première personne du singulier par exemple qui peut donc être tout à fait fictif. La littérature regorge de romans comportant l’énonciation du « je » sans que l’on puisse les qualifier d’autobiographies.
Enfin le discours de soi peut occuper toute la place du récit, mais il peut aussi contenir d’autres éléments tels que le journal intime, des correspondances, toute forme de matériau autobiographique.
Si le sujet du récit concerne soi, il peut également retracer le monde dans lequel l’auteur vit et ses préoccupations, les données historiques, économiques et sociales.
Nous venons de décrire la notion d’autobiographie au sens strict, il s’avère qu’une conception plus large du terme s’entend de nos jours ; elle laisse ainsi libre cours aux critères sus-référencés qui peuvent ainsi en partie manquer.
Par ailleurs, le genre ne sera plus réservé au seul récit de la vie des écrivains. On assiste donc à l’émergence d’autobiographies de différentes natures.
Nous nous appuierons sur les deux sens du terme pour organiser la thématique de ce mois.
Sources
*Le roman moderne et l’autobiographie J. Fryčer
**Le pacte autobiographique, le Seuil, 1975, Poétique, réédition Points 1996
***L'autobiographie, genre littéraire ?
Marcel de Grève, dans Revue de littérature comparée 2008/1 (n° 325),
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