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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

La confession d’un narrateur par Musset

Dans La Confession d'un enfant du siècle, Musset entre aussi dans la tradition littéraire du dévoilement du moi. Il reprend les éléments de sa rencontre avec George Sand, mais pour en faire une œuvre non autobiographique. C'est un projet littéraire qu'il a en tête dans lequel il peut ainsi mêler le vrai et le faux dans une entreprise de création vraiment originale.  

 

 

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Repères : thème de l’autobiographie : présentation
Une confession

Dans l’article précédent, nous avons vu l’originalité de l’œuvre monumentale de Chateaubriand, les Mémoires d’outre-tombe, voyons aujourd’hui le glissement sémantique opéré par Musset dans la confession d’un enfant du siècle (1836).

 

Le terme « confession » que nous avons vu avec St Augustin et Rousseau perd ici son pluriel pour apparaître comme une révélation d’un évènement unique. 

 

Le projet de Musset comprend-il encore le récit d’une vie et est-il de l’ordre du dévoilement du je. Par conséquent, entre-t-il dans le genre autobiographique ? 

 

Avant de répondre, nous devons préciser les contours de la genèse de cet ouvrage.

 

Genèse

Musset a entrepris de reprendre les principaux épisodes de son aventure amoureuse avec George Sand. Peut-être vous souvenez-vous que la Gazette a dans ses colonnes publié en son temps une de ses lettres d’amour écrite en 1833 ? N'hésitez pas à relire cette missive tout en émotion...

Rappelons, s’il en était besoin, que Musset et George Sand ont vécu une passion brûlante qui s’achève, une première fois, à Venise. Le 29 mars 1834, Musset rentre seul à Paris, laissant sa maîtresse à ses amours avec le docteur Pagello.

Dépité, il envisage néanmoins de se nourrir de cette histoire d’amour dans un projet littéraire dont il s’ouvre volontiers à George Sand. Il lui demande même de lui restituer ses propres lettres, le matériau nécessaire dont il entend se servir pour écrire cette œuvre. Il dispose donc à ce stade tous les éléments utiles pour un récit autobiographique.

Or, il n’en prendra pas le chemin comme nous le verrons dès le chapitre 1erde l’œuvre.

Qui est donc le narrateur de l’histoire ?
"Pour écrire l’histoire de sa vie, il faut d’abord avoir vécu ; aussi n’est-ce pas la mienne que jécris.

Mais de même qu’un blessé atteint de la gangrène s’en va dans un amphithéâtre se faire couper un membre pourri ; et le  professeur qui l’ampute, couvrant d’un linge blanc le membre séparé du corps, le fait circuler de mains en mains par tout l’amphithéâtre, pour que les élèves l’examinent ; de même, lorsqu’un certain temps de l’existence d’un homme, et, pour ainsi dire, un des membres de sa vie, a été blessé et gangrené par une maladie morale, il peut couper cette portion de lui-même, la retrancher du reste de sa vie, et la faire circuler sur la place publique, afin que les gens du même âge palpent et jugent la maladie.

Ainsi, ayant été atteint, dans la première fleur de la jeunesse, d’une maladie morale abominable, je raconte ce qui m’est arrivé pendant trois ans. Si j’étais seul malade, je n’en dirais rien ; mais comme il y en a beaucoup d’autres que moi qui souffrent du même mal, j’écris pour ceux-là, sans trop savoir s’ils y feront attention ; car dans le cas où personne n’y prendrait garde, j’aurai encore retiré ce fruit de mes paroles de m’être mieux guéri moi-même, et comme le renard pris au piège, j’aurai rongé mon pied captif. "

La confession d’un enfant du siècle, Musset 

 

https://fr.wikisource.org/wiki/La_Confession_d’un_enfant_du_siècle_(1836)/Première_partie

 

Absence de validation du genre autobiographique

Reprenant l’examen du texte avec La Méthode Des GROSSES CLEFS ©, on s’aperçoit que le récit qui est écrit à la première personne du singulier entend retracer un parcours rétrospectif de vie. Là encore, l’usage de temps permet de basculer du passé au présent et d’envisager un futur de la même manière que le mode indicatif laisse le champ au conditionnel. Le texte est à destination d’un public potentiel amené à se retrouver dans les affres d’une passion sur le point d’être révélée.

Cependant, il s’avère que le pacte autobiographique est immédiatement dénoncé par le narrateur qui ne participe pas à la triple identité requise avec le personnage et l’auteur. Il pose une distance entre l’auteur et le narrateur : « aussi n’est-ce pas la mienne que j’écris. » Ce critère majeur faisant défaut, l’œuvre échappe ainsi au genre autobiographique, ce qui est conforté par la confession d’un narrateur dénommé Octave que l’on suit de sa naissance à la mort de son père.

Il faut attendre la 3epartie pour que la passion amoureuse surgisse entre le narrateur et une femme plus âgée, Madame Brigitte Pierson. Cette œuvre semble appartenir au genre romanesque comme son auteur l’a précisé. Pourtant, des points restent à éclaircir.

Il serait faux de jeter aux orties le genre autobiographique, car le terme confession se rattache à une longue tradition que Musset connaissait très bien et dans laquelle il a cherché à s’inscrire.

 

Tradition littéraire

Le titre du roman ne doit rien au hasard. Il s’inscrit dans la tradition de St Augustin que sa génération lisait abondamment.* Le terme de confession concerne dans le livre la question du mal, problème métaphysique.

Octave confesse sa vie intime ; il ne cache rien de sa vie de débauche à l’instar de celle de St Augustin. Le narrateur qui est soumis à ses propres démons tente de s’en échapper en lisant notamment la bible, mais il retombe inéluctablement méditant sur la triste condition humaine : « Ô hommes de marbre, sublimes égoïstes, inimitables raisonneurs, qui n’avez jamais fait ni un acte de désespoir ni une faute d’arithmétique, si jamais cela vous arrive, à l’heure de votre ruine ressouvenez-vous d’Abeilard quand il eut perdu Héloïse » (chapitre X, 2epartie) 

 

On perçoit dans cet extrait une interpellation du genre humain comme dans l’œuvre de Rousseau. Ce qui n’a rien non plus d’un hasard, car Musset l’a aussi lu, probablement avec moins de passion que le Père de l’Église.*

 

On voit donc que la confession d’un enfant du siècle s’inscrit dans la tradition littéraire, mais pour mieux s’en dégager. Le choix du singulier nous met sur la piste tout comme l’ajout du titre qui renvoie à un désenchantement qu’il partage avec ses contemporains.

La notion du «mal du siècle » révèle une préoccupation* à l’origine du romantisme : le solipsisme, le doute, l’ennui, la perte de vitalité, l’indifférence à la chose publique…Le registre de l’œuvre appartient bien au pathétique.

 

Le récit autobiographique se transforme donc en un roman semi-autobiographique, ce qui permet à l’auteur de composer librement et sans contrainte. Il peut ainsi mêler le vrai et le faux dans une entreprise vraiment originale. 

 

Source : *Présentation de Sylvain Ledda, La confession d’un enfant du siècle, Musset, Garnier Flammarion, 

 

Repère à suivre : les deux je (Sarraute)

 

 

 

 

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