Analyse-Livres & Culture pour tous
29 Mars 2019
Dans l'écharpe rouge, Yves Bonnefoy fait état de ses angoisses devant le caractère inexplicable de ses fragments. Il en cherche un sens. Il revient de son enfance et un sentiment de culpabilité l'étreint...
Repères : thème de l’autobiographie : étude
Dans l’article précédent, nous avons vu la place de la famille dans la quête de sens des fragments inachevés de l’auteur, voyons la place de ce dernier dans les fragments. C’est justement la question de la place du fils qui se comprend à l’analyse des fragments. La clé du songe s’y trouve enfin.
Le poète comprend qu’il porte l’écharpe rouge donnée par la femme justement. Angoisse de l’auteur à la compréhension de ce point : « A-t-il pensé que sa femme s’était attachée à leur enfant plus qu’à lui, reconnaissant en ce fils de sang qui était le sien, laissant son mari en somme un intrus… » (page 102). Le fils est-il la cause du malheur du père ? Telle est la question poignante que se pose l’auteur. Interrogations inquiétantes s’il en est.
Il revient surtout sur l’appétence de l’enfant qu’il était pour les mots, lui que l’on nommait à neuf ans le « futur poète » (page 128). Il comprend que cette vocation précoce a poussé son père dans une plus grande solitude. L’auteur se souvient ainsi de la maigre tentative paternelle de se rapprocher de lui avec des cahiers rapportés de l’atelier : l’enfant, avec toute l’inconséquence de son âge, les a repoussés par cette soif de se tourner vers d’autres horizons moins clos. Il s’agit d’une faute refoulée par l’enfant qu’il était alors. Il évoque un fossé entre le père et le fils, un monde étanche et séparé par un cordon d’alexandrins raciniens…
Cette situation a fait naître chez le poète un sentiment douloureux, la culpabilité. Il le dit expressément : « …c’est pourquoi je fus effrayé de lire dans « l’écharpe rouge » ce que je savais donc et pourtant ne m’avouais pas : que j’avais contribué-et certes sans le vouloir-à l’isolement et à la tristesse de mon père. » (page 129)
Il sent qu’il a trahi une attente du père. Jamais il n’a vraiment compris cet homme fruste. Durant ses années d’apprentissage, il ne lui a pas davantage donné de l’importance.
Après le décès du père, le poète a donné libre cours à cette passion littéraire en découvrant le surréalisme, l’art de jouer justement avec les mots. Il confesse le choc de cette rencontre et des peintures de Max Ernst qui se profilent aussi dans « l’écharpe rouge » avec les contrastes de couleur et le rouge notamment.
Les fragments témoignent donc de la présence d’un père mésestimé par un fils. Cela explique donc toutes les vicissitudes rencontrées autour du manuscrit inachevé.
Il reste à étudier le statut de l’écrit dans cette œuvre autobiographique.
Repère à suivre : le statut de l’écriture