Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Février 2019
Le thème du jardin au Moyen-Âge fait naître un jardin idéal, le jardin où l'on célèbre l'amour courtois. Guillaume de Machaut y situe son poème, où il exprime son chagrin amoureux...
Repères : thème du jardin : présentation
Après avoir vu la notion de paradis céleste au cours du précédent article, découvrons aujourd’hui le fait qu'il peut être aussi un lieu profane au Moyen-Âge où l’on célèbre l’amour courtois.
Pour le dire vite, il s’agit de l’exaltation de l’amour par des sentiments emprunts de noblesse et de respect. Le jardin devient alors le lieu de la célébration de l’amour idéalisé.
Nous serons en compagnie d’un poète et compositeur du XIVe siècle, Guillaume de Machaut, qui témoigne de son amour dans une poème écrit à la premier personne. L’action se situe dans un verger (vergier) qui est le lieu symbolique du paradis terrestre. On sait désormais que c'est le siège de l’amour parfait s’il en est dans l’iconographie chrétienne avant la tentation et la chute de l’homme…
Précisons que le dit est un poème narratif non chanté ; il est en octosyllabe et en rimes plates.
Le sujet concerne l’entrée d’un homme dans un verger alors qu’il souffre des affres d’un amour non partagé : le chant des oiseaux et notamment du rossignol s’avère en l’espèce un puissant dérivatif au chagrin du poète : extrait.
Quant la douce saison repaire
D′esté qui maint amant esclaire,
Que prez et bois sont en verdour
Et cil oisillon par baudour
Chantent et par envoiseüre
Chascuns le chant de sa nature,
Pour la douçour dou temps seri,
Ou dous mois d′avril le joli,
Me levay par un matinet
Et entray en un jardinet
Ou il avoit arbres pluseurs,
Flouris de diverses coleurs.
Si trouvay une sentelette
Pleinne de rousée et d′erbette,
Par ou j′alay sans atargier,
Tant qu′a l′entrée d′un vergier
Me fist aventure aporter.
S′entray ens pour moy déporter,
Pleins d′amoureuse maladie,
Et pour oïrla mélodie
Des oisillons qui ens estoient
Qui si très doucement chantoient
Que bouche ne le porroit dire,
N′onques homs vivans n′ot tant d′ire
Que, s′il peiist leur chant oïr,
Qu′il ne s′en deiist resjoïr
En son cuer et que sans séjour
N′entroubliast toute dolour,
Tant avoit en euls de delis.
Et dessus une flour de lis
Li dous rossignolès estoit
Qui renvoisiement chantoit
Et s′efforçoit si de chanter
Que par dessus tout le chanter
Des autres oisillons l′oï,
Dont mes cuers moult se resjoï.
Guillaume de Machaut, Le Dit du Verger
Dit dou Vergier, Texte établi par Ernest Hœpffner, Librairie Firmin-Didot et Cie, 1908, Tome premier (p. 13-56).
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Dit_dou_Vergier
repère à suivre : le jardin à la renaissance