Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Janvier 2019
La Fontaine, un autre fabuliste s'est intéressé à la question du partage. C'est l'occasion d'examiner la morale de l'histoire...
Repères : thème du partage : présentation
Après avoir lu une fable d'Esope dans le précédent article, intéressons-nous aujourd'hui à son digne héritier, La Fontaine, qui a vécu au XVIIe siècle.
Ce dernier met en scène un pacte signé entre un simple métayer et Jupiter, le dieu des dieux romains, alter ego de Zeus.
L'objet du contrat ? La mise en culture d'un terrain à la libre guise du paysan dont on verra le caractère présomptueux au fil de la lecture.
Vous constaterez que la morale de l'histoire figure à la fin de la Fable. Le partage entre le propriétaire et le métayer est bien maigre...
Le procédé utilisé par La Fontaine consiste à plaire (l'exotisme de la situation) et à instruire, car nous sommes bien dans le registre didactique. Il ne faut donc pas être trop sûr de soi...
***
Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l’annonce et gens se présentèrent,
Firent des offres, écoutèrent :
Ce ne fut pas sans bien tourner ;
L’un alléguait que l’héritage
Était frayant[1] et rude, et l’autre un autre si.
Pendant qu’ils marchandaient ainsi,
Un d’eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage,
Promit d’en rendre tant, pourvu que Jupiter
Le laissât disposer de l’air,
Lui donnât saison à sa guise,
Qu’il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise,
Enfin du sec et du mouillé,
Aussitôt qu’il aurait bâillé.
Jupiter y consent. Contrat passé, notre homme
Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme
Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins
Ne s’en sentaient non plus que les Américains.
Ce fut leur avantage : ils eurent bonne année,
Pleine moisson, pleine vinée.
Monsieur le receveur fut très mal partagé.
L’an suivant, voilà tout changé :
Il ajuste d’une autre sorte
La température des cieux.
Son champ ne s’en trouve pas mieux ;
Celui de ses voisins fructifie et rapporte.
Que fait-il ? Il recourt au monarque des dieux ;
Il confesse son imprudence.
Jupiter en usa comme un maître fort doux.
Concluons que la Providence
Sait ce qu’il nous faut mieux que nous.
https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_de_La_Fontaine/édition_1874/Jupiter_et_le_Métayer
repère à suivre : Pierre de Marboeuf