Analyse-Livres & Culture pour tous
25 Janvier 2019
Dans le partage de midi, Claudel met au cœur de son drame une femme aimée par les différents protagonistes de l'action : une femme au centre de tous les désirs...
Repère : thème du partage : l’étude
Dans le précédent article, il a été question du temps, donnée incontournable de l’exil. Découvrons aussi que Claudel met au centre de sa pièce la femme…
Précisons le sens de cette affirmation.
Négligée par son époux, Ysé se trouve au cœur des désirs des autres personnages. On se trouverait potentiellement dans un mauvais vaudeville avec le mari et les amants si les sentiments exposés ne touchaient pas à l’absolu.
Notons néanmoins que la pièce met en place désormais des trios amoureux qui se succèdent sans désemparer aux actes II et III.
Découvrons le premier trio aujourd’hui.
Ainsi à l’acte II, la tension qui se trouve au cœur des discussions a trait à l’envoi par Mesa du mari dans une contrée lointaine et dangereuse. La situation est délicate, car elle permet d’aplanir la difficulté de l’adultère avec un mari rendu ainsi moins gênant.
Pour Claudel, c’est l’occasion de travailler l’intertextualité.
Il recourt ainsi au passage biblique des amours du roi David pour Bethsabée*. Or, il s’avère que dans ce drame claudélien, il existe une différence notable : le mari est un authentique candidat au départ, ce qui dérange à la fois Ysé qui se sent abandonnée et Mesa, atteint soudainement de scrupules moraux, qui le dissuadent de tenter l’entreprise.
En vain…
On peut lire le débat intérieur des deux amoureux au travers de la didascalie, puis de l'extrait qui suit : « Ils demeurent en silence sans se regarder. Puis soudain Ysé relève la tête et lui ouvre les bras. Il l’étreint en sanglotant, la tête contre son flanc.
Ysé. — — Pauvre Mesa
Mesa. — — Ysé !
Ysé. — — Pauvre enfant ! Mesa ! Pauvre Mesa !
Mesa. — — Tout est fini.
Il se relève et demeure vacillant comme un homme ivre.
Ysé, le regardant en face. —— Viens !
Viens, et ne demeure pas séparé de moi plus longtemps. »
(Acte II)
C’est dans ces conditions que cet amour immense déborde de manière irrépressible. Mesa analyse la situation qui s’offre à eux :
« Il est vrai que vous n’êtes qu’une femme, mais moi je ne suis qu’un homme.
Et voici que je n’en puis plus et que je suis comme un affamé qui ne peut retenir ses larmes à la vue de la nourriture... »(Acte II)
Il s’agit d’un sentiment pur et désintéressé, une effusion nouvelle pour Ysé.
Pour Mesa, qui n’a jamais connu l’amour, cette tentation de la femme le conduira à encourager désormais le mari à partir pour lui laisser le champ... libre. Il ment alors sans vergogne.
Le ver est dans le fruit…
* 2e livre de Samuel, chapitre 11,1 à 12,25
Repère à suivre : Mesa face à Ysé et Amalric (Claudel).