Analyse-Livres & Culture pour tous
16 Juin 2017
Dans le roman d'Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, on touche à l'impossibilité de l'idéal dans cette quête amoureuse.
Repères: thème de la passion: l'étude
Dans l'article précédent, nous avons vu le thème de la fuite devant l'idéal au travers de la princesse de Clèves de madame de Lafayette, découvrons aujourd'hui le même phénomène dans le Grand Meaulnes, d'Alain-Fournier.
Augustin Meaulnes est un jeune garçon au caractère entier vivant en pension chez un couple d'instituteurs de Sologne, Monsieur et Madame Seurel et de leur fils, François.
Un jour, il se trouve amené par hasard à assister à une fête merveilleuse dans un château isolé au cours de laquelle tous les invités participent à des réjouissances extraordinaires données en l'honneur du prochain mariage de Frantz de Galais et de sa fiancée que tout le monde attend avec impatience.
Augustin Meaulnes fait à cette occasion la connaissance d'Yvonne de Galais, jeune fille blonde au regard bleu dont il tombe immédiatement amoureux : elle constitue à ses yeux l'archétype de la femme idéale.
« Avec quel émoi Meaulnes se rappelait dans la suite cette minute où, sur le bord de l'étang, il avait eu très près du sien le visage désormais perdu de la jeune fille ! Il avait gardé ce profil si pur, de tous ses yeux, jusqu'à ce qu'ils fussent près de s'emplir de larmes. » (la rencontre, 1ère partie, page 97)
De son côté, cette dernière est aussi tombée sous le charme de ce curieux jeune homme impétueux qui forme des projets de vie commune. Éperdue d'amour, elle lui fait follement la promesse de l'attendre.
Cependant l'arrivée du fiancé seul et désespéré rompt instantanément le charme de la fête ; Augustin Meaulnes, ainsi que tous les convives, repartent chez eux dépités.
Demeurant émerveillé par l'aura des évènements passés, il n'aura de cesse de retrouver le château perdu, en vain. La rencontre avec un étrange bohémien au visage bandé -à qui il jurera avec toute la naïveté encore de l'adolescence une amitié éternelle- va lui permettre de reprendre ses recherches.
Cependant cette quête le conduira sur les traces d'une autre personne au caractère fantasque avec laquelle il vivra une romance avant de s'apercevoir du sacrilège qu'il a commis...
L'intervention de François Seurel, l'ami de toujours, permettra à Meaulnes de retrouver enfin la piste d'Yvonne de Galais. Trois longues années se sont écoulées.
Les deux jeunes protagonistes se retrouvant, la tension entre eux paraît indescriptible. Cependant, Meaulnes confronté à la réalité fera preuve d'une maladresse confondante, gâchant littéralement les retrouvailles tant espérées :
« Ce bonheur là, trois ans plus tôt, il n'eût pu le supporter sans effroi, sans folie, peut-être. D'où venait donc ce vide, cet éloignement, cette impuissance à être heureux, qu'il avait en lui à cette heure ? » (page 237).
Cette impossibilité à être heureux se trouve attachée au statut d'icône que Meaulnes a réservé à Yvonne de Galais.
Comment peut-il vivre ainsi avec l'idéal à portée de mains ? Cette question existentielle est posée par Yvonne qui reste parfaitement lucide :
«Comment celui que nous poussions ainsi par les épaules n'aurait-il pas été saisi d'hésitation, puis de crainte, puis d'épouvante, et n'aurait-il pas cédé à la tentation de s'enfuir ! » (Conversation sous la pluie, 2ème partie, page 273).
Elle lui offrira généreusement la possibilité de fuir cette réalité qu'il saisira en laissant derrière lui un bonheur paisible...
Ce choix ne sera pas sans conséquences ...
Le Grand Meaulnes ou l'impossibilité de goûter à un bonheur trop parfait ?
Repères à suivre : la synthèse de l'étude