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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

Le recours au parti anti-monétaire (4)

Le recours au PAM

Repères : carnet de voyage : le tour de Grèce

Dans l’article précédent, il a été présenté le feuilleton de la Gazette Littéraire qui prend en toile de fond un pays proche de la Grèce ; il est temps de préciser le propos de la nouvelle : la petite république d'Hellénia vit le dimanche 29 avril 2012 un moment historique : elle propose un référendum sur le maintien du pays dans l'Union Européenne. La campagne bat son plein. Un parti cristallisant le mécontentement de la classe politique classique surgit. Le PAM, le parti anti monétaire, propose la sortie de l'euro mais surtout l'abandon de toute monnaie avec l'adoption d'un régime basé sur le troc. Les résultats donnent le "Non" majoritaire. Le gouvernement démissionnant, des élections législatives doivent se tenir. Au soir du scrutin, la foule en liesse et dans la rue tandis qu'une partie de la population est frappée de stupeur et d'effroi. Le programme du Pam pour les nouvelles élections se veut si rassurant :

***

Le PAM, le Parti Anti Monétaire, avait, lui, parfaitement senti les nouvelles aspirations du peuple en quête de "réenchantement". Il sut trouver les mots rassurants et intelligibles pour tous. Quelle était la meilleure solution pour sortir de ce climat délétère ? Il répondait en se fondant sur la théorie de "l'encastrement" de l'économiste hongrois Karl Polanyi*. Pour ce dernier, l'économie avait été déconnectée de la société, l'autorégulation du marché prônée par le libéralisme économique s'était révélée une véritable utopie. Afin de mettre en phase l'économie avec la société, le PAM prônait la disparition pure et simple de la monnaie. Le troc devenait ainsi un véritable argument politique. Cette notion englobait le concept « d'échange à volume égal »**, qui permettait de troquer par exemple un panier de blé contre le même volume de fruits. Il s'agissait de repenser tout le système économique du pays. Les électeurs eurent devant eux une proposition politique généreuse et innovante qui tranchait avec les éternelles mesures drastiques des partis classiques... Pour certains, cette réforme représentait l'unique moyen de sortir le pays de l'ornière dans laquelle il s'était plongé. Sofia Nastase se laissa convaincre et rejoint le cortège des troqueurs résolus dont faisait partie Alexis Grivas.

Quinze jours après le référendum, les élections législatives donnèrent au PAM la victoire à une majorité écrasante. C'est ainsi que le pays bascula dans une nouvelle ère, celle d'un nouveau mode d'échanges rompant avec le libéralisme lui-même grand triomphateur du socialisme économique. Une troisième voie s'était ouverte avec l'expérience unique des Hélléniens. Alexis Grivas eût le sentiment de participer à l'écriture d'une nouvelle page d'histoire. Il reporta toute son énergie à la mise en œuvre de ce programme inédit en prêtant son concours à la mise en place du troc dans son arrondissement. Il avait le sentiment de dispenser la bonne parole à une foule avide d'équité. Son zèle le fit grimper d'échelon en échelon pour parvenir à un poste de compétence de premier plan.

De son côté, Sofia Nastase mit du temps à comprendre les techniques de l'échange juste, autre terminologie mise en œuvre par le parti au pouvoir... Elle ne pouvait s'empêcher de regretter sa paie en monnaie sonnante et trébuchante. Comme pour le passage de l'euro, époque où elle s'était sentie appauvrie par le nouveau cours, elle eut un pincement au cœur à la vue de son portefeuille désespérément vide. Et si tout cela était une folie ? pensa-t-elle dans son for intérieur. Réflexion tardive car déjà le pays se refermait sur lui-même.

 Le Parti au pouvoir mit au point un système expérimental ainsi qu'il l'affichait sur les murs des établissements publics. Les citoyens reçurent également une documentation précise.

"Assurons la subsistance de tous par tous. Produisons hellénien et consommons local. Dans toutes les entreprises nationales ou privées de plus de dix personnes, un large comptoir comportant différents bons en contrepartie de leur travail sera proposé aux employés : bons alimentaires, bons d'énergie, bons de santé, bons d'habillement, bons de divertissement, bons de vacances, bons d'épargne. Pour les micro-entreprises, la rémunération sera payable en nature au libre choix des parties. Les consommateurs munis de produits à vendre ou de bons à échanger seront appelés à se retrouver dans tous les commerces afin de satisfaire leurs besoins. Les professionnels bénéficiaires desdits bons les échangeront à nouveau à la Banque Centrale, seul établissement "financier" du pays. Celle-ci proposera en sus de ceux obligatoires dans toutes les entreprises publiques ou privées susmentionnées d'autres bons échangeables dans deux nouveaux comptoirs de libre-échange réservés -cette fois- aux seuls professionnels. Le premier a vocation à devenir un comptoir d'investissement, le deuxième prendra l'aspect d'un comptoir de fonctionnement. (...) Proscrivons toute vente immobilière au profit de l'échange de biens assortis ou non d'une soulte non monétaire. S'agissant des contrats de location, déclarons que la contrepartie sera payable par bons au libre choix des parties. (...)"

La brochure passait ensuite aux travaux "pratiques". La situation la plus concrète se trouvait ainsi expliquée :

"C'est ainsi que le primeur qui a reçu des bons d'alimentation peut les échanger pour les besoins quotidiens de son commerce (réassortiment de son stock, paiement de ses factures de fonctionnement etc..) ; il affectera une partie dans son activité de branche et le surplus auprès du comptoir classique pour assurer sa propre subsistance personnelle ou familiale.

Une économie de subsistance enfin en œuvre pour le bonheur de tous..."

 Mais cela satisfera-il tous les besoins de la population ? se demandèrent les helléniens les plus inquiets ou les plus pragmatiques...Puis le temps passa ; on oublia l'Hellénia désormais aux portes bien closes...

Repères à suivre : l’expérience malheureuse de l’Hellénia (5)

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