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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

La tentation de la peinture (3)

L'ouverture du coffre

Repères : thème de la vieillesse : le bac expliqué à ma fille ( feuilleton)

Il a été indiqué dans l’article précédent que Zita Leroux réfléchit à une problématique précise sur le thème de la vieillesse et sa représentation dans le cadre de son épreuve d’art du baccalauréat. La jeune fille mûre et sensible se souvient du peintre Teresa BALAZS, personnage hors du commun, sa grand-mère.

La jeune fille doit pour ce faire convaincre son père, d’ouvrir les archives de l'artiste enfouies dans un grand coffre. Elle lui propose un regard artistiquement "neutre" sur une œuvre. Rien de personnel ; pas d’évocation de souvenirs. Elle veut faire revivre Teresa BALAZS ….

***

La jeune fille se lança dans cette grande aventure ; elle ouvrit le grand coffre dans lequel elle ne découvrit pas uniquement le travail du peintre, mais également divers documents et photographies. Teresa BALAZS enfant dans les bras de sa mère décédée en 1922 à Budapest, puis adolescente à Paris. Des lettres, de vieux cahiers, des carnets de dessin à profusion. Un vrai capharnaüm, ce coffre ! Si soigneusement entretenu à l’extérieur, tellement en bataille à l’intérieur. Le désordre provenait-il de son père ou de sa grand-mère, propriétaire initial du meuble ? A cette question, Zita eut rapidement la réponse. Son père lui confirma qu’il n’avait jamais pu ouvrir ce coffre qui remuait trop de souvenirs. Il avoua même qu’il ne s’en était jamais senti le droit. Tout était donc resté intact depuis la disparition du peintre, au cours des treize dernières années. Elle découvrit au fil du temps qu’un travail de recherche ne se fait qu’avec le cœur. Rien dans la vie n’est neutre et encore moins dans l’Art.

L'accès au pinceaux

La jeune fille continua ses recherches de manière méticuleuse. Elle découvrit des premières esquisses au crayon toutes datées 1935-1937, le trait déjà sûr. Mais pas de couleurs dans les premières œuvres de l’artiste. Elle comprit rapidement que dans la famille BALAZS, on comptait. Le milieu artistique foisonnant de la Ruche dans le quartier de Montparnasse ne nourrissait guère en abondance. Alors, on économisait sur tout. Son arrière-grand-père, János, lui-même formé à Paris comme bon nombre de ses coreligionnaires, appartenait au mouvement des Huit fondé en 1911 qui ne résista pas au régime ultraconservateur hongrois du régent Horty. En parcourant les cahiers, Zita lut que sa grand-mère s’était vue proscrire cette vie de bohème. À l’époque, on considérait que ce n’était pas un métier pour une femme. C’était sans compter sur le caractère ardent de la jeune fille, imprégnée de toute une culture foisonnante. Zita sut intuitivement que son aïeule n’avait pu échapper à ce milieu artistique d’avant-garde. Comment y résister en effet dans ce Paris bouillonnant de l’entre-deux-guerres ? On comprend alors qu’à défaut de pouvoir peindre, elle ait accepté de poser nue comme sujet. Lorsqu’on n’a pas accès aux pinceaux, il ne vous reste plus qu’à être modèle. Sa Grand-mère lui apparut sous des traits qu’elle connaissait, les siens. Une ressemblance frappante. Les nus dataient de 1936. Comment comprendre autrement que cela lui permit d’apprendre le métier au travers du regard du travail de l’artiste du haut de l’estrade ?

 

La palette de couleurs

Le travail de Teresa BALAZS prit de l’ampleur en 1938 avec l’arrivée de la couleur, preuve que son père avait dû lui donner sa bénédiction. La jeune élève lut que ce dernier avait en effet cédé aux exigences de la jeune fille. Il faut dire que cette dernière avait menacé de ne plus assumer ce qu’elle faisait depuis des années, la « commercialisation » des œuvres paternelles. Sous ce vocable impeccable, on entend plutôt trafic car son rôle consistait à vendre sous le manteau les toiles  paternelles dans les trois cafés de la rive gauche, Le Dôme, la Retonde et la Coupole. On lui reconnaissait un talent indéniable dans la négociation, la jeune fille ne s’effarouchait d’un rien. On trafiquait un peu de tout déjà à l’époque. C’est ainsi que Teresa BALAZS  eut l’idée de proposer en guise de ballon d’essai ses propres toiles. Son succès fut vif. On aima la femme au peignoir, thème qu’elle reprit à plusieurs reprises. Mais l’occupation allemande coupa net sa progression. Injustice de l’Histoire ! Bientôt furent promulguées les lois sur le statut des juifs. La judaïté de Teresa BALAZS lui fit perdre la nationalité française acquise de fraîche date. Elle fut ainsi contrainte de disparaître du paysage comme tous les membres de l’école de Paris, dissoute par la force des choses. Un exil forcé au tréfonds de la France ; une existence pleine de périls. Elle n’avait que vingt ans…

 

Repères à suivre : le feuilleton (4) : lorsque les artistes s’attirent…

La tentation de la peinture (3)
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