Analyse-Livres & Culture pour tous
28 Mars 2014
Repères : feuilleton : le bac expliqué à ma fille : thème de l’île
Il a été indiqué dans l’article précédent qu’Audrey, élève de terminale L, nouvellement arrivée, doit s’intégrer dans un groupe pour satisfaire aux exigences des travaux personnalisés encadrés (TPE). Ayant toujours éprouvé de grandes difficultés de socialisation, elle doit dépasser sa répugnance. Elle repère deux élèves qui selon ses critères -très personnels- pourraient travailler avec elle.
Madame Dutuit, le professeur principal, exposa les trois grands thèmes proposés dans la filière littéraire :
Audrey écouta avec sérieux l’exposé de son professeur. Elle réfléchissait au meilleur sujet. N’ayant pas de culture générale approfondie, la jeune fille ne pouvait distinguer un héros parmi tous les personnages mythiques. Il lui venait bien en tête les personnages de Walt Disney ; mais elle secoua la tête : elle était en Première que diable ! Elle avait dépassé ces enfantillages ! Elle ne voyait pas d’autres personnages à évoquer. Si elle connaissait Madame Bovary ou Anna Karenine, sa lecture des deux œuvres manquait de relief et d’épaisseur pour susciter chez l'élève l’envie de les étudier. En outre, la jeune fille ne savait pas passer du particulier au général. Encore un défaut qu’on lui reprochait souvent dans ses écrits ! C’était une difficulté que rencontraient bon nombre de ses camarades. Pour une fois, chose rassurante, elle était comme eux….
Le sujet sur les Lumières lui rappelait trop Monsieur Fournier, professeur de français de Seconde, qui ne jurait que par Voltaire. Elle en avait vite été dégoûtée. Pas question de retenter l’aventure !
Restait la question, représentation et réalité, les deux R pensa-t-elle en parlant toute seule à voix basse. La jeune fille aimait à rechercher les points communs dans les énoncés dussent-ils résider dans leur seule sonorité. Scrutant les deux amies qu’elle avait soigneusement sélectionnées, elle les vit parler des deux R justement. « Un signe du destin ! » se dit Audrey en se levant car il était temps de passer à la phase de négociation des groupes.
La jeune fille ne perdait pas de vue ses proies qu’elle aborda avec son pauvre sourire, celui qui la rendait si fragile. Fleurant son malaise, Félicie et Manon lui firent bon accueil ; elles savaient laisser de la place à une nouvelle arrivante. Les deux jeunes filles avaient été élevées comme cela. Etant de très bonnes amies, elles pensaient que leur amitié faciliterait les TPE. La nouvelle venue ne constituait aucune menace. Elle semblait si perdue, si gentille… On s’agréa mutuellement et Audrey vint s’asseoir à côté d’elles pour définir un sujet plus précis.
On réfléchit en silence avant que Félicie n’évoquât la question d’une île. Passant toutes ses vacances sur l’île de Ré, il lui avait semblé percevoir une différence de comportement entre les continentaux et les insulaires. « C’est un sujet formidable ! » indiqua Manon qui trouvait magnifiques toutes les idées de son amie. Aucune des deux ne considéra que ce fût un sujet de conversation banal au cours de l’apéritif entre gens de bonne et même compagnie où il est de bon ton d’évoquer ce point. Les parisiens excellaient souvent dans ce registre.
De son côté, Audrey réfléchissait aussi à la possibilité d’une île. Elle se souvenait du village de la Flotte en face de la Rochelle à cause de ses coups de soleil à l’été 2003. « A vous dégoûter du soleil à jamais ! » Sa peau de rousse lui interdisait tout commerce avec l’astre lumineux ! S’il fallait aimer une île, la jeune élève n’en voyait bien qu’une à mettre en exergue : la Grande-Bretagne. Son climat océanique et ses fortes précipitations convenaient parfaitement à ses exigences ; elle y avait fait de longs séjours avec ses parents. Elle aimait la campagne anglaise pour se démarquer de ses coreligionnaires qui ne connaissaient que Londres ! On a le snobisme de ses dix-sept ans !
Habilement Audrey déclara trouver le thème de l’île « génial » et l’air de rien proposa son idée qui fut bien reçue car ses deux interlocutrices furent séduites par l’Angleterre, une destination courue dans les médias, « so hype ». Elles furent ravies d’avoir à annoncer ce sujet si original à leurs parents. De leurs côtés, ces derniers trouveraient si valorisant d’avoir des enfants qui savent si bien s’inscrire dans les tendances du moment. On se satisfait souvent de peu.
Pour les élèves, il restait désormais à définir une problématique précise…
Repères à suivre : le feuilleton : la formalisation d’une problématique (3)