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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

Une bien terrible rencontre dans le désert (Balzac)

 

Une bien terrible rencontre dans le désert (Balzac)

Repères : carnet de voyage : Egypte

 

Une rencontre extraordinaire

Dans l'article précédent, la Gazette Littéraire vous a proposé un extrait de la nouvelle de Balzac intitulée, une passion dans le désert.


Nous avions laissé notre soldat de l'armée française s'échapper de ses geôliers et errer dans le désert.

Dans l’extrait d'aujourd'hui, il fait une bien terrible rencontre en vérité …


***

"Fatigué par la chaleur et le travail, il s’endormit sous les lambris rouges de sa grotte humide. Au milieu de la nuit son sommeil fut troublé par un bruit extraordinaire. Il se dressa sur son séant, et le silence profond qui régnait lui permit de reconnaître l’accent alternatif d’une respiration dont la sauvage énergie ne pouvait appartenir à une créature humaine. Une profonde peur, encore augmentée par l’obscurité, par le silence et par les fantaisies du réveil lui glaça le cœur. Il sentit même à peine la douloureuse contraction de sa chevelure quand, à force de dilater les pupilles de ses yeux, il aperçut dans l’ombre deux lueurs faibles et jeunes. D’abord il attribua ces lumières à quelque reflet de ses prunelles ; mais bientôt, le vif éclat de la nuit l’aidant par degrés à distinguer les objets qui se trouvaient dans la grotte, il aperçut un énorme animal couché à deux pas de lui. Etait-ce un lion, un tigre, ou un crocodile ? Le Provençal n’avait pas assez d’instruction pour savoir dans quel sous-genre était classé son ennemi ; mais son effroi fut d’autant plus violent que son ignorance lui fit supposer tous les malheurs ensemble. Il endura le cruel supplice d’écouter, de saisir les caprices de cette respiration, sans en rien perdre, et sans oser se permettre le moindre mouvement. Une odeur aussi forte que celle exhalée par les renards, mais plus pénétrante, plus grave pour ainsi dire, remplissait la grotte ; et quand le Provençal l’eut dégustée du nez, sa terreur fut au comble, car il ne pouvait plus révoquer en doute l’existence du terrible compagnon, dont l’antre royal lui servait de bivouac. Bientôt les reflets de la lune qui se précipitait vers l’horizon éclairant la tanière firent insensiblement resplendir la peau tachetée d’une panthère. Ce lion d’Égypte dormait, roulé comme un gros chien, paisible possesseur d’une niche somptueuse à la porte d’un hôtel ; ses yeux, ouverts pendant un moment, s’étaient refermés. Il avait la face tournée vers le Français. Mille pensées confuses passèrent dans l’âme du prisonnier de la panthère ; d’abord il voulut la tuer d’un coup de fusil ; mais il s’aperçut qu’il n’y avait pas assez d’espace entre elle et lui pour l’ajuster, le canon aurait dépassé l’animal. Et s’il l’éveillait ? Cette hypothèse le rendit immobile. En écoutant battre son cœur au milieu du silence, il maudissait les pulsations trop fortes que l’affluence du sang y produisait, redoutant de troubler ce sommeil qui lui permettait de chercher un expédient salutaire. Il mit la main deux fois sur son cimeterre dans le dessein de trancher la tête à son ennemi ; mais la difficulté de couper un poil ras et dur l’obligea de renoncer à son hardi projet. -- La manquer ? ce serait mourir sûrement, pensa-t-il. Il préféra les chances d’un combat, et résolut d’attendre le jour. Et le jour ne se fit pas longtemps désirer. Le Français put alors examiner la panthère ; elle avait le museau teint de sang. -- Elle a bien mangé !… pensa-t-il sans s’inquiéter si le festin avait été composé de chair humaine, elle n’aura pas faim à son réveil."


Une passion dans le désert, Balzac

http://fr.wikisource.org/wiki/Une_passion_dans_le_d%C3%A9sert

 

repères : carnet : le face à face...

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