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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

Un climat délétère (feuilleton)

Feuilleton : Employée modèle au service courrier de la Prudence, compagnie d'assurance parisienne, Maryse Nadal a une passion pour la cuisine. Elle tient méticuleusement à jour un cahier de recettes depuis des années. Elle n'aurait jamais imaginé que ce cahier serait la cause de tous ses ennuis. Un jour, en effet, elle se fait surprendre durant ses heures de travail à lire son magazine culinaire. Pour l'exemple, elle fera l'objet d'une mise à pied. Retrouvons notre héroïne abasourdie par la sévérité de la mesure...

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Repères: Thème de la nourriture : cahier de recettes (3) 

Prenant le train à la gare Saint-Lazare en ce milieu d'après-midi, Maryse ressentit un étrange malaise qu'on éprouve lorsqu'on se sent affreusement fiévreux. Les gares défilaient devant ses yeux totalement indifférents. Arrivée à Asnières, elle emprunta machinalement la rue Denis Papin pour parvenir, tel un automate, rue de la Marne. Elle s'arrêta au numéro 93 de sa rue, poussa la lourde porte et s'en fut au troisième étage dans son petit appartement où son mari, Richard, lui ouvrit la porte, l'air étonné.

- Et bien, tu es malade ? lança t-il à sa vue.

- Non, je me suis fait renvoyer pour la journée de la Prudence et elle s'effondra dans ses bras en lui expliquant la cruelle humiliation dont elle avait fait les frais.

Le pauvre homme ne comprit pas les raisons d'un tel congédiement. Il connaissait la passion de sa femme pour la cuisine. Il en profitait largement et son tour de taille pouvait témoigner du don insigne de sa femme. Jamais pourtant, il n'aurait pensé qu'un tel talent puisse justifier une sanction, après tant d'années au service de la même entreprise. L'étonnement passé, il se mit à réfléchir avec la distance qui manquait encore à Maryse. Car si cette dernière se focalisait sur la perte de son cahier, lui, il pensait à la sanction injustifiée. Il lui conseilla d'attendre de voir ce que déciderait l'entreprise. Il savait par expérience que la décision n'était pas dans leurs mains.

Ils n'eurent pas à attendre longtemps pour voir la suite réservée à la mise à pied de Maryse.

Cette dernière fut convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave. Le courrier la troubla et lui fit perdre toute confiance en elle. Richard lui conseilla d'aller voir un avocat. Mais il ne restait guère de temps avant l'entretien. Par malchance, il ne fut pas possible d'organiser un rendez-vous avant le jour fatidique. La pauvre Maryse, seule et honteuse, se rendit donc à la direction du personnel au cinquième étage.

Émue, elle évita soigneusement de croiser ses collègues du rez-de-chaussée. Elle emprunta l'escalier à la moquette fleurie pour monter recevoir son congédiement. Elle avait les larmes aux yeux. Tout cela pour des recettes de cuisine, sa passion ! Les étages lui semblèrent infiniment longs à gravir. Elle accéda enfin au niveau requis puis, se présenta dans le bureau de la secrétaire du Directeur des Ressources Humaines. Punition suprême, on la fit attendre sur une petite chaise dans le couloir où l'on dévisageait la nouvelle venue avec curiosité. C'est l'employée qui a perdu le document ! chuchotait-on d'un air entendu. La rumeur allait bon train dans la compagnie car, depuis une semaine, les recherches pour le retrouver avaient été vaines. Il semblait bien commode à certains d'imputer la faute à cette simple rédactrice du service courrier pour se défausser de l'obligation de chercher cette pièce. Opinions bien téméraires ! Des sanctions tombaient, en effet, dans tous les services. Une crispation de l'ambiance était perceptible au sein de la Prudence. Le document encore confidentiel devait bien être dans les mains de quelqu'un. Il ne fallait pas qu'il soit porté à la connaissance de tous.

Après une quinzaine de minutes, notre employée fut appelée à comparaître devant le Directeur des Ressources Humaines qu'elle n'avait jamais vu. Il ne la connaissait guère davantage, n'ayant jamais cherché à proposer des formations aux employés du rez de chaussée dont la réputation en haut lieu n'était plus à faire. Il ne prit guère des gants avec ce genre de créature comme il disait ! Il rappela les faits, puis lui annonça que la faute commise empêchait la poursuite du lien contractuel sans préavis. Il interrogea pour la forme la pauvre Maryse totalement intimidée par le discours savant qui lui était servi avec hauteur. Cette dernière ne trouva rien à dire sur le fond, cette situation ubuesque la dépassait. Pour l'heure, la seule chose tangible qu'elle avait en tête concernait son cahier de recettes qu'elle souhaitait récupérer. Une telle pièce volumineuse se trouvait bien en vue dans le dossier consulté par son interlocuteur. Elle eut alors le sentiment qu'on lui avait confisqué injustement son bien comme si elle était un enfant. Elle fit sa réclamation d'une voix sourde.

Le Directeur des Ressources Humaines lui répondit que ce document lui serait rendu en temps utile et qu'il constituait pour l'heure un élément de preuve parfait. Sur ces entrefaites, l'entretien s'acheva rapidement. Le sort de Maryse était désormais scellé.

Déconfite, elle descendit lentement les marches pour arriver en bas. Avertis par la rumeur du départ de leur amie, ses collègues l'attendaient déjà. Sur le seuil, elle leur révéla la mesure de licenciement.

Un torrent de colère se fit entendre ça et là. Unis, il décidèrent de la soutenir en paralysant toute la société. Ils verraient en haut lieu ce qui se passerait ! On ne licencie pas une salariée exemplaire pour un cahier de recettes ! Elle n'a pas à payer pour la perte d'un document de la direction !  Qu'est-ce qu'il y a dans ce document pour que cela fasse un tintouin pareil ! Qui peut le dire ? Des spéculations fusèrent à droite et à gauche. Ce brouhaha parvint jusqu'aux oreilles de Monsieur Normandin.

Apercevant Maryse, il comprit. Adoptant alors une attitude faussement dégagée, il enjoint à cette dernière de partir, elle ne faisait désormais plus partie de la compagnie. Il chercha aussi à remettre le service au travail. En pure perte !

Le mouvement de grève fut voté. Le climat s'annonçait délétère...

Suite du feuilleton :  le cahier de recettes 

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L
<br /> <br /> Bravo L ! Tout y est, on s'y croirait !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Le monde de l'entreprise...<br /> <br /> <br /> <br />